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samedi 31 août 2013

Sortir d'un cinéma et atterrir. Cognac 2004

Sensation unique d'une fin de matinée pluvieuse quelque part au milieu des années 2000. Au sortir d’une projection, je me sens groggy, comme drogué à mon insu, au point que mon corps a du mal à suivre, que mes jambes se dérobent sous moi. Puis l'attraction terrestre achève le sale boulot, me recollant la face éteinte sur le plancher des vaches. Fini l'état de grâce mais je me rappelle parfaitement l'homme transfiguré que je suis alors, l'espace d'un instant, béat d'admiration, ébloui par le ciel bleu azur - tranchant avec la pluie qui tombait drue à mon arrivée aux abords du cinéma – comme par ce que je viens de prendre en pleine figure. Un uppercut, un coup génial sorti de nulle part. Je sais maintenant que les perceptions du corps trompent rarement leur monde. et ce jour là s'impose physiquement la certitude d’avoir dévoré une page légendaire de l'histoire du 7ème Art.

C'est au festival du film policier de Cognac, où je suis présent par la grâce de mon employeur - un label video - avec la secrète et noble mission de ramener d'éventuels films pour une acquisition (en vue d'une édition DVD). Ce film, c'est Pusher II.



Son réalisateur Nicolas Winding Refn. Et son acteur, révélation fulgurante, Mads Mikkelsen.



Du coup me vient l'idée de fouiller dans mes souvenirs pour retrouver trace de sensations comparables, de grosses claques mémorables à la sortie d'un cinéma, et dont les souvenirs gardent la même intensité, même des années après.

Parmi ces chairs de poule insensées :

ABIDJAN

Excalibur (John Boorman, 1981). La source originelle de mon petit monde de cinéma. La bataille finale,  l'embarcation qui s'éloigne dans le soleil couchant, la présence comme indispensable de Carl Orff et Richard Wagner, un corbeau dévoreur de pupilles comme le cinéma s'emparant de mon imaginaire, et Perceval qui trouve le graal au prix d'une complète remise en question de son système de valeurs (son armure). La matrice, le point de non retour.

CASABLANCA

Halloween (John Carpenter, 1978). Le frisson ultime. Je vois le film en 84. J'ai 11 ans et lorsque je sors dans la rue Lemercier juste après la séance, le soleil est partout mais je ne cesse de scruter, de me retourner, de guetter Michael Myers portant masque au détour d'un véhicule garé, d'un olivier centenaire, ou dissimulé derrière une fenêtre. Le cinéma s'incruste dans ma réalité pour mieux l'épicer.

VELIZY-VILLACOUBLAY

Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985). Première identification. Michael J Fox c'est moi, et cette De Lorean doit bien exister quelque part. Je la trouverai. Elle prendra les traits d'une Volvo 464 puis d'une Nissan Blue Bird... Mais de saut dans le temps, point encore.

Angel Heart (Allan Parker, 1987). Séance de minuit un samedi soir. Il est 2 heures du matin et traverser Vélizy pour regagner à pied mon immeuble ne sera pas de tout repos. Des chiens hurlent ici et là, la zone d'emplois est étrangement vide et anxiogène. Cité post-apocalyptique lorsque les sièges des grandes sociétés deviennent autant de musées vides et flottant sur un paisible océan de béton. Vélizy-les-flots-gris. Une question m'obsède sur le trajet  : sous quels traits Louis Cypher m'apparaîtra-t-il ?  Depuis ce jour, je n'ai plus jamais regardé ni les oeufs n les poulets de la même manière.

Piège de cristal (John Mc Tiernan, 1988). le film d'action hissé au rang de chef d'oeuvre. Un huis-clos géographique et temporel qui sied parfaitement à l'ambiance à la fois étouffante, cruelle et décontractée de ce missile aux parois vitrées. j'en sors baba et j'y retournerai de nombreuses fois. A l'époque, la référence indépassable du film d'action.

BAYONNE

Cujo (Lewis Teague, 1983). Le film qui m'a ouvert les yeux sur l'importance de l'écriture et de la créativité de la mise en scène lorsque le projet vit comme ici sur une économie de moyens et une unité de lieu et de temps. Grand, très grand film, qui, rareté, s'affranchit du livre dont il est l'adaptation. Le film existe pour lui-même. Et grande injustice : le chien méritait l'Oscar !

PARIS

Fisher King (Terry Gilliam, 1991). L'envie de me foutre à poil dans Central park est venue avec ce film. "I like New-York in June" reste un hymne fabuleux. Et Jeff Bridges y trouve l'un des rôles de sa vie. Ses "Forgive me" résonnent encore et me réchauffent l'âme...

Bloody Bird (Michele Soavi, 1987). Réconcilier le théâtre et le film d'horreur. Rejoindre en un film les maîtres que sont Mario Bava et Dario ArgentoMichele Soavi l'a fait.

Les Diables (Ken Russell, 1971). A voir au cinéma Accatone. Personne n'en sortira indemne.

vendredi 30 août 2013

Judas sombre héros de l'amer


Martyr devant la grande Histoire

Lorsqu'il est question d'Histoire, mémoire sélective et mémoire collective font souvent bon ménage. C'est pourquoi je rêve de revivre cette période, fantasmée, commencée avec l'année zéro de notre ère, d'où partiraient tous les flashbacks et les flashforwards du Cosmos. Après tout, ne fut-il pas le pitch idéal pour le plus grand des soaps, la meilleure série TV du monde ?

Pas gâté, Judas est resté dans les ouvrages et nos mémoires comme le traître, lâche et fielleux, fieffé menteur, dangereux et déloyal mercenaire, déserteur d'un projet humain et grandiose et transcendant, félon, fourbe, infidèle et perfide, sournoisement renégat, vendu. Et sur le blason de la dérobade, une anguille grimaçante pour totem. Ô l’Iscariote !

Tout avait pourtant bien commencé. Fidèle parmi les fidèles, membre éminent d'un hypothétique premier cercle, dernier rempart d'une amitié supposée indéfectible et d'un projet qui avait des ailes. Jusqu'à son étreinte mortelle... Un simple baiser. 


Comme dans toute petite entreprise prospère, alors en plein essor, qu'est-ce qui lui passa donc par la tête pour se disqualifier de la sorte aux yeux de l'humanité, alors que tant d'autres, des inconnus, des personnes croisées au hasard de leurs pérégrinations légendaires, eurent pu, à sa place, faire le "sale boulot" ? Pourquoi ce dérapage alors que de surcroît, Jésus l'avait prévenu, qui plus est devant témoins, de l'irréparable qu'il s'apprêtait à commettre ? Etait-ce l'aveu d'un déterminisme dans la bouche du fils de Dieu ? Pas si sûr...

Les faits rapportés dans les différents évangiles sont têtus : Judas dénonce Jésus parmi un groupe d'hommes. Il est donc le délateur, celui qui désigne, celui qui "montre du doigt".

Parmi les textes apocryphes, c'est-à-dire non reconnus par l’Eglise, l’Evangile de Judas fait pourtant ressortir des aspects méconnus de la relation entre Jésus et son apôtre qu'il m'apparaît utile de restituer dans la présente réflexion. Jésus lui dit notamment « Tu les surpasseras tous, car tu sacrifieras l’homme qui me sert d’enveloppe charnelle » puis « Je t’enseignerai les mystères du royaume (…) mais pour cela tu souffriras beaucoup » ou encore « Viens et je t’enseignerai ce qu’aucun être humain ne verra ». Voilà qui contribue à dépeindre Judas comme un apôtre à part, le seul à comprendre le vrai sens de la parole du Christ, à savoir qu’il lui faudra dénoncer Jésus afin que la légende de ce dernier puisse s’écrire pour de bon. Dans cette optique, Judas aurait donc commis un acte odieux sur commande, à la demande de Jésus. Sa trahison devient dès lors sous cet éclairage un inégalable acte de foi.

D'où ma première hypothèse : et si Judas n'avait fait que réciter sa partition, s'il avait tout simplement agi de façon parfaitement fidèle et obéissante ?


Faux semblants

Dans Mémoire d’Essénien il est précisé que lors du dernier repas, « plus de 120 personnes entouraient Jésus et qu’un de ses jumeaux (physiquement parlant) était le chef des zélotes. Il se faisait passer pour Jésus ». Cette idée est aussi contenue dans certains évangiles qui rapportent des propos de Jésus décrivant l'apôtre Thomas comme étant son parfait jumeau...

C'est là qu'intervient ma deuxième hypothèse. Etant agnostique et rationnel, je m'interroge : si nous prenons pour acquis que cette épopée à nulle autre pareille ne fut qu'une aventure humaine hors normes, pourquoi Jésus sur la base de ce qu'il observe (son visage est assez peu connu, il a de surcroît une dégaine très répandue à l'époque, barbe et cheveux longs, et se sait entouré de fidèles à la fois dévoués et lui ressemblant étonnement pour certains) n'aurait-il pas l'ingénieuse idée d'asseoir définitivement sa légende en sacrifiant un "sosie" ? C'est par ailleurs une époque où ni les medias ni la police scientifique ne peuvent grand-chose pour définir avec certitude l'identité d'un homme. Tout semble réuni pour que la supercherie passe comme une lettre à la poste et que la postérité n'en retienne que l'essentiel  : un miracle.

Or la crucifixion intervient dans un contexte historique terriblement propice : Rome resserre son étau autour de Jésus, et la réflexion de ce dernier doit aller bon train pour envisager comment sortir par le haut d'une situation quasi désespérée. Avec un tel stratagème, il ferait naturellement coup double : Sauver sa tête tout en donnant corps au plus grand des miracles : la résurrection.

Citons à cet effet le Coran qui évoque clairement le fait étrange que « Jésus n’a pas été tué (…) Ils ont cru le faire. Ils ne l’ont pas tué en vérité ».

Ce qui peut être une façon de dire la même chose...



Le grain de sable

Dans cette hypothèse, Judas se fait le complice d'un tour de passe-passe génial. Ce qui peut justifier doublement son statut d'apôtre à part, le plus dévoué, le plus fiable, le plus naïf aussi ?

Son rôle étant dès lors primordial : désigner aux autorités romaines un homme qui n’est pas le Christ, un sosie (qui au choix peut être un fidèle prêt à donner sa vie pour le Christ, ou un homme qui aura par cet acte mis sa famille à l'abri du besoin pour des décennies). Un innocent pourra ainsi endurer le martyr en lieu et place de Jésus qui n'aura dès lors plus qu'à réapparaître 3 jours plus tard. Et pour que cela fonctionne, il faut bien qu'un proche de Jésus ne l'identifie formellement ! Ce sera Judas.

Mais un grain de sable vient enrayer la belle machine, Judas vivrait-il mal la culpabilité héritée de cet acte moralement inqualifiable malgré un enjeu phénoménal ? Jésus et ses véritables complices (Jean et Pierre d'après les écrits et témoignages du passé) craignent peut-être que Judas ne révèle toute la vérité à la face du monde. Ou son sacrifice est-il déjà prévu de longue date ? Toujours est-il que Judas sera "suicidé" pour une raison de taille... La raison d'Etat, si friande en sacrifices, n'est en comparaison, que basse gnognotte. La priorité étant de ne pas prendre le moindre risque de voir le subterfuge dévoilé un jour ou l'autre...

Dans cette hypothèse, un suicide déguisé ne put avoir lieu que grâce aux complicités des 2 apôtres préférés : Jean et Pierre constituent ce premier cercle, considéré comme le plus parfait du tableau de Léonard De Vinci : La Cène. Il y est d’ailleurs question d'une discussion privée entre Pierre et Jean pendant qu'un couteau est appuyé (accidentellement?) sur les côtes de Judas qui esquisse un mouvement de stupeur. La métaphore limpide du sort qui fut in fine réservé à l'Iscariote, pour la "bonne cause" ? J'aime à le penser.


En tout cas, si l'histoire, la vraie, s'était déroulée ainsi, resterait à percer le secret de ce qui put chez Judas déclencher le désir de briser le secret qui les tenait tous.

Et c'est là qu'intervient, comme dans tout bon film noir, l'énigmatique personnage féminin, la figure fatidique de la femme fatale.



Marie-Madeleine

Elle est la première à témoigner de la résurrection de Jésus. J'en fais donc une hypothèse de réflexion centrale. Dans d'innombrables polars, le premier témoin d'un meurtre ne révèle-t-il pas souvent des motivations secrètes à une présence en apparence fortuite ? Habile façon de légitimer un phénomène paranormal, de renforcer le halo d'innocence autour de sa personne alors qu'elle n'eut pas été au bon endroit, au bon moment par le seul fruit du hasard.

Je repense d'ailleurs au mémorable Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon (Elio Pietri, 1970) qui dépeint à la perfection un commissaire enquêtant sur son propre crime, un personnage ambigu et passionnant qui par définition est le dernier à avoir vu la victime vivante, donc le premier à pouvoir témoigner de sa résurrection, si une telle chose eut été possible.


Peut-être en fut-il de même pour Pierre et Jean qui la suivirent de peu dans cette extraordinaire découverte d’un Christ ressuscité - ce qui selon moi renforce l'hypothèse d'une triple complicité.

Creuser la personnalité de Marie-Madeleine revient également à s'appesantir sur ses liens complexes avec Jésus. Simple disciple ou sa femme comme semble l’indiquer l’Evangile de Barthélémy ? L’évangile de Philippe précise d'ailleurs à ce sujet : "ils étaient trois qui marchaient toujours avec l'Enseigneur, Marie sa mère, la soeur de sa mère et Myriam de Magdala qui est connue comme sa compagne (koïnonos) car Myriam est pour lui une soeur, une mère et une épouse (koïnonos)".

Le vrai coup de théâtre pour le coup sera venu de Dan Brown qui dans son Da Vinci Code développe cette idée que Marie-Madeleine et Jean ne formaient qu’une seule et même personne. Et que le Messie eut une descendance grâce à elle. L’Evangile de Thomas intrigue sur ce point lorsqu’il évoque le regard de Jésus sur les femmes : "Toute femme qui sera faite mâle entrera dans le Royaume des cieux". Elément qui peut corroborer cette idée que Marie-Madeleine apparaissait lors des réunions publiques de Jésus sous les traits d’un homme (Jean ?). La Cène de Léonard De Vinci fait d’ailleurs apparaître Jean sous des traits éminemment féminins.


La crucifixion aurait ainsi permis au premier cercle (Jésus, Jean, Pierre et Marie-Madeleine) de fuir vers Ephèse, Jésus et Marie-Madeleine pouvant y vivre plus sereinement leur amour.


Rendre à judas...

La voici dans son plus simple appareil l’intrigue du plus grand des films noirs ! Nous devenons les témoins pantois du destin unique d’un homme qui, dépassé par sa légende, s’attirant les foudres du pouvoir en place (Rome, bien décidé à l'éliminer), finit par trouver cette idée géniale – ou se la fait susurrer par une femme, Marie-Madeleine, qui voit loin - de mettre en scène sa mort en sacrifiant un innocent pour reprendre une vie plus normale. Retrouvant la paix de l'anonymat, il laissera ensuite à sa place 12 apôtres reprendre le flambeau et répandre la bonne parole. Peut-être l'aura-t-il justement fait pour l'amour de cette femme, Marie-Madeleine. Derrière tout grand homme, il y a, dit-on, une bonne conseillère tapie dans l’ombre.

La géographie incite d'ailleurs à une vigilance accrue. D'après de nombreux écrits et témoignages, Marie-Madeleine aurait vécu comme l’apôtre Jean ou la Vierge Marie à Ephèse (Turquie, Izmir). D’où la théorie développant cette idée qu’elle y vécut aux côtés de Jésus, qu’ils eurent des enfants ensemble à Ephèse… Où La Vierge Marie et Jean, comme elle, auraient dans certaines restitutions, fini leurs jours.

Tous les chemins mènent bien à Ephèse, où il faudrait poursuivre plus avant nos investigations.

J'aime alors imaginer que le valeureux Judas découvrant la relation de Jésus et Marie-Madeleine, comprenant trop tard les enjeux bassement humains de ce sacrifice dont il fut le commis trop sage, et avant de pouvoir dénoncer publiquement le gigantesque subterfuge sera réduit au silence par ses anciens camarades.

Au fond, c'est Jésus qui a gardé la bannière et Judas la croix...

Pour les siècles des siècles.

Amer.

mercredi 28 août 2013

Le Pingouin. Carla Bruni. 2012

Première image ? Nahia en petit sections urtoise, avec un fort accent du Sud-Ouest (surtout lorsqu'elle réclame une chocolatine) et qui entre en politique en taguant les murs de l'école (elle dessine, c'est une intention, une vocation purement artistique) et en criant à tue-tête "Sarkozy Démission". 

Sans perfidie aucune, je me suis fait cette petite remarque qui se veut, entendons-nous bien, la plus objective possible. Dans une période agitée mais faste pour Carla Bruni, j'apprends que son nouvel album contiendrait un morceau intitulé Le Pingouin et qui viserait entre les lignes l'actuel locataire de l'Elysée.


Je me suis donc amusé à revoir la fameuse scène d'au revoir sur les marches du palais qui serait paraît-il à l'origine du désordre, ce que je vous invite à faire car ce qu'on en retire visuellement est édifiant.

Je pense immédiatement à Mel Brooks et son vivifiant It's good to be the king


Amusez-vous à décrypter le langage non verbal, disséquez les démarches respectives de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande. Vous conviendrez qu'il est difficile de ne pas voir chez le premier pieds écartés et dodelinements nerveux qui sont les possibles stigmates d'une "pingouinite" aigüe, quand le second, souple et droit, main sur la couture, rappelle davantage l'inimitable chaloupé d'un Julio Iglesias.

C'est pourquoi je repose la question : à qui diable était destiné ce morceau ?

mardi 27 août 2013

Clous de cercueil sur Tobacco Road 2008


tabacco road by tenebrae nectaris
tabacco road, a photo by tenebrae nectaris on Flickr.
Papa est parti. Parti pour jamais plus.
C'est alors que je me suis mis à jeter de la peinture noire sur le papier...
Que j'ai tout étalé, tout en fumant, je fumais trop.
J'arrêterai en 2011. J'arrêterai. Tout s'arrêtera. 
La débauche d’excès, le souci d’insouciance de ces longues années referont-ils un jour surface ?
Un retour à l'envoyeur est-il d'actualité ?
Je guette chaque matin l'accusé de réception dans ma petite boîte à être. Mais je ne suis pas dupe, je sais bien que tapie dans l’ombre, la bombe à retardement attend son heure, qu'elle savoure son attente.

Quoi de mieux pour illustrer nos excès d'avant-hier, nos départs d'hier, qu'un bon veux War... J'ai nommé Tobacco Road...


Parmi les titres dont je raffole sur un autre album de ce merveilleux groupe, il y a bien sûr l'éternel OUT OF NOWHERE que voici ...



Le jour ni l'heure. Roland Barthes


C'est en octobre 2011, j'arrive tout seul à Urt, autant dire à poil. Le ténébreux éclaireur qui laisse à dessein derrière lui femme et enfant pendant près de 2 mois.

Facile sur le papier, mais l'idée vaut noblesse et souffrance : il s'agit de créer les conditions rêvées pour accoucher de l'indépassable chef d'oeuvre du 7ème art qui aux dernières nouvelles dormirait dans quelques recoins obscurs de mes entrailles.

Le premier problème c'est de savoir où. Le deuxième ? Aux apprentis maçons les mains moites... Oh, j'ai bien allumé l'ordinateur, en me disant que "si je passais la tête, le corps suivrait forcément,"mais voilà, de vraies excuses en fausses priorités, ça s'est progressivement massé au-dessud de l'Ermitage et mes beaux petits projets de liberté, un cumulo-nimbus libérant sa pluie tropicale et millimétrée : sortir les poubelles, lancer une machine, assurer le repassage, lustrer le vénérable parquet, ramener du bois sec de la remise afin de raviver l'âtre oublié de la cheminée, manger puis laver mon assiette. Regarder la télé, m'insensibiliser à la dévorer sans relâche et sans appétit, m'effacer lentement devant mon désir. Même le fascinant spectacle quotidien des 4 écureuils exécutant de façon anonyme quelques fabuleuses figures acrobatiques dans les arbres nus qui encerclent la maison par l'arrière me laisse anesthésié.

Le lendemain singeant la veille, le sur-lendemain prolongeant cette fuite en avant. Je repense alors, ému, à Bill Murray dans l'excellent Un jour sans fin (Harold Ramis, 1993 ).



Et cette pensée stimulante, comme un baiser de prince charmant, m'ouvre les shakras. Soucieux d'identifier les étapes cruciales probablement négligées dans l'enthousiasme de débuts délicats, je m'échine alors à leur donner une réalité, de la chair pour mieux briser le charme.

1 Joindre le geste à la parole, enfiler LE costume providentiel. J'achète donc lunettes et béret pour habiter le personnage, faire ma peau neuve de jeune écrivaillon de province en devenir.


2. Plus délicat, capter dans le fond de l'air les ondes positives émanant des illustres noms qui foulèrent un jour cette terre Urtoise si fertile. C'est donc à dos de VTT (fraîchement acquis en vue de perdre quelques kilos superflus) qu'un matin glacial mais ensoleillé (mais glacial), je regagne le petit chemin communal, segment très court qui borde l'accueillant cimetière du village. Le nez et les doigts en berne, je les réchauffe d'une haleine toute matinale avant d'arpenter fébrilement les allées de ce dernier à la recherche de la fameuse tombe de Roland Barthes à l'épitaphe obsédante "Le jour ni l'heure".


A la faveur d'un soleil radieux, je finis par la repérer en vieux briscard de Touco découvrant la fameuse stèle qui lui ouvrira les portes d'un avenir doré dans Le Bon la Brute et le truand (Sergio Leone, 1966).


Je pense ressentir les même émotions, fortes et fugitives, qui l'auront traversé au moment précis de sa découverte. Ambiance de western, lieu désert, le vent qui siffle, doucereux, Ennio Morricone n'est pas loin. Je cherche l'état second, l'apnée mentale qui me fera entrer en contact avec l'esprit du grand Barthes. Mais au lieu de ça, je deviens tout bleu. Reprendre mon souffle, vite, le nez congelé au vent mauvais n'a rien senti passer de miraculeux. Ne subsiste que le bruissement des dernières feuilles ornant le platane considérablement dégarni à l'entrée du carré silencieux.

Je rebrousse chemin, ignorant si je me suis ou non chargé de l'énergie créatrice du maître, espérant que la magie opèrera dès mon retour sous mes doigts cavaleurs. Mais la routine reprend ses droits. Je suis bredouille, ne voyant se matérialiser ni le jour ni l'heure du début d'un commencement d'histoire...


Reste une piste, la seule qui vaille : je sais de source sûre que Pierre Benoît (L'Atlantide) a séjourné de nombreuses fois à l'Ermitage durant la première moitié du XXème siècle, qu'il y aurait même écrit un roman. Son esprit pourrait m'insuffler quelque chose de libérateur, d'euphorisant ! Il est mon salut, j'ai la faiblesse de le penser.

La nuit suivante, des bruits sourds résonnent. Ca vient d'en bas. J'ai peur. Ils proviennent sûrement de la chaudière capricieuse tapie dans le sous-sol. Problème : ils ne semblent pas vouloir disparaître, m'obligeant à quitter la chaleur de mon vieux lit qui grince. Je descends à pas comptés, pieds nus glacés, armé d'un caleçon, de peu de courage et d'une lampe torche qui tremblote. Les bruits ont disparu lorsque j'arrive à la cave mais ils reprennent de plus belle alors qu'en regagnant la chambre je m'arrête devant le petit bureau que j'ai soigneusement aménagé pour en faire un temple de l'écriture. Jusque là inviolé. Une information capitale me revient alors subitement en mémoire.  L'imposante rampe sur l'escalier de l'entrée, Jean Graciet (bâtisseur de la maison) l'a faite installer pour les besoins d'un Pierre Benoît qui paraît-il boitait bas... Une évidence : ce bruit lourd, caverneux dans la nuit n'est que l'écho de son coup de canne autoritaire pour m'enjoindre à sortir du lit et regagner dans l'obscurité l'ordinateur afin de respecter le contrat que ma conscience et moi avons passés début octobre.

Et cette nuit-là, j'ai commencé à écrire...

lundi 26 août 2013

L'affaire Cahuzac. La part d'ombre. Edwy Plenel



Tiens donc... Jérôme Cahuzac. Cet homme m'impressionne par son insolente maîtrise de la langue de Molière dont à l'évidence il tutoie les moindres nuances.

Mais curieux, derrière le jeu de la contrition, au-delà de la jolie partition récitée sans anicroche, je sens poindre une sincérité dans le regard, une forme de droiture qui force le respect et qui ne collent nullement au profil psychologique d'un homme d'égarement, d'un être imprévisible, d'une girouette susceptible de céder à la folie, à la bêtise, aux deux. Non le type est trop précis, nous vient trop d'un bloc.

A le regarder, sans même avoir à l'écouter, il me semble avoir sous les yeux un homme puissamment digne, qui paye pour les autres en fermant sa gueule... Aucune preuve de ce que j'avance, certes, mais je suis traversé par cette évidence. Peut-être faudra-t-il mettre sur le coup des psychologues, des physionomistes, des spécialistes de ces minuscules gestes, de ces infimes attitudes, de ces regards brefs comme l'éclair mais qui ne trompent personne...

J'ai d'ailleurs été frappé dans son discours par la récurrence de l'expression "part d'ombre". Si Jérôme Cahuzac maîtrise aussi bien le français, si comme je le pense il ne laisse rien au hasard, alors sa "part d'ombre" désignerait possiblement la parcelle d'un ensemble ? Référons-nous au dictionnaire :

PART partie d'un tout destiné à quelqu'un, portion résultant d'une division, d'un partage
2 ce qui revient, échoit à quelqu'un (portion, quotité)
3 ce que l'on apporte en partage, contribution.

Alors quoi, message subliminal ? Il occuperait donc sa petite place au sein d'une ombre qui le dépasse forcément. Sa part de l'ombre... Sa part d'une ombre plus vaste dans cette histoire... D'une responsabilité, d'un tout.  Bref, difficile d'imaginer que les mots n'ont pas été choisis avec un soin particulier.

Uu hasard enfin si c'est aussi le titre d'un livre d'Edwy Plenel consacré aux affaires sous Mitterrand ?


Beau parleur ce Cahuzac. Et sincère avec ça. Il a su disséminer des petits éléments de langage qui feront  leur chemin dans nos esprits. Ou pas.

A cette époque, François Hollande vient d'être élu (Nahia 2 ans et déjà engagée politiquement exulte dans la cour de sa crèche d'Urcuit aux cris répétés de Hollande Président). Nous sommes alors rentrés nous installer au Pays Basque et je saoule régulièrement Mireille et Nahia au coin du feu avec le fameux Baga Biga Higa, résonnance Basqsue des Akelarre d'antan...

    

dimanche 25 août 2013

Théorie du sommeil : le crépuscule des peluches



Mauvaise foi

Quand je déprime, je me replonge avec délice dans la peau du bambin de 8 ans que j'étais lorsqu'un soir, à Abidjan, il devait pas être loin de 21h00, j'ai décidé de faire ma prière pour la dernière fois. Je revois très bien la scène. Debout sur mon lit, à sautiller, à haranguer non sans emphase une armée de doudous prêts à en découdre, jusqu'à y laisser leur peau de synthèse :

Amis Doudous, ces divins imposteurs nous traînent depuis trop longtemps dans leurs cachots intimes en conférenciers immaculés du grand leurre qu'ils sont. Ces apprentis alchimistes et autres défaits de la pensée agitent frénétiquement nos peurs fertiles dans quelques flacons poussiéreux, ils n’ont de lumière que leurs habits et restent aveugles à l'éblouissante noirceur, celle qui se cache en toute humilité dans les bruissements pourtant immémoriaux de la nature comme dans la douce pénombre de ce prétoire

Des "ohhhh", des "quelle aura" claquèrent, s'entrechoquèrent dans un brouhaha admiratif. C'était dans la poche, la foule était conquise, n'attendant qu'un signe de moi, qu'un imperceptible hochement de tête, pour (re)bondir à la face du monde. Ca continuait à peu près comme ça :

Sachons éviter les chemins balisés, ne prenons pour acquise aucune des mille et une vérités frappées du sceau de l’expérience, autant de démagogies instituées en lois immuables par les hommes. Renions toute idée logique car faussement rassurante... (silence) La prière n'est pas un besoin vital de 21h00, A quoi bon ânonner quelque phrases dont le sens nous échappe au moment de bailler ? C'est seulement ainsi que l'esprit humain saura s'ôter le poids de toute fatalité pour retrouver le chemin courageux de la liberté, réveillés que nous serons par l’expérience d’un baiser vénéneux, celui du grand mystère. En osant ouvrir un nouveau sentier dans la pénombre ancestrale d'une forêt primaire en péril, nous nous laisserons guider à l'intuition, seule vraie boussole, jusqu’aux berges d’un lac oublié dans les extatiques abysses duquel nous nous abandonnerons pour en sonder pleinement les profondeurs délétères. C’est alors que, plongés dans ce bain chaud d’imaginaire, comme exilés du monde, rejailliront en saillies furieuses les toutes premières lueurs amères de l’enfance, de cette vertu originelle et indispensable pour qui la vérité nue veut entrevoir.

Affranchis que nous étions du poids des vaines certitudes, de la folle vanité de l'Homme, je venais de nous révéler au monde comme à nous-mêmes pour ce qui restera à jamais comme l'historique Discours de Cocody.


L'enfance retrouvée

Je sais bien pourquoi j'y repense. C'est précisément ce qui m'a emballé dans Le crépuscule d'une idole (ou l’affabulation freudienne), cette capacité qu'a Michel Onfray d'ébranler sur ses bases une institution vénérée de la pensée unique, la psychanalyse en l'espèce.

J'ai désormais 37 ans et je m'interroge : comment rester fidèle à ce petit garçon que je ne suis plus, comment aurait-il abordé cette question cruciale des secrets de l'inconscient, de ce qui se trame à notre insu pendant le sommeil, de la façon dont s'y jouent peut-être les vrais enjeux de l'existence, de la guérison mentale, de la connaissance de soi ?

Après s'être éclairci la gorge, sucé un bonbon acidulé, l'enfant que je fus se serait probablement chauffé la voix...

Oui mes amis ! En maître incontesté de ces eaux troubles où les souvenirs les plus anciens gardent une fraîcheur et une jeunesse insolente, le sommeil occupe une place prépondérante dans nos vies terrestres. C'est pourquoi nous devons commencer par les fondamentaux : dompter ce cheval sauvage et fougueux. Y êtes-vous prêts ?

(Hourras des peluches, excitées peut-être à l'idée de monter à cru un canasson)

La solution était là, en toute simplicité, dans une nouvelle façon d'aborder le problème, en posant dessus notre regard d'enfant truffé d'intuitions.

A l’attitude victimaire de l'observateur passif ou de l'analyste empêtré dans des théories fumeuses, préférons agir le sommeil, façonnons cette arme de construction massive avec un objectif avoué : muscler son jeu, la discipliner jusqu'à ce qu'elle finisse par plier sous le poids de nos volontés conscientes

(Ovations des nounours)

Alors vous me direz quel mode d’emploi ? Aussi simple qu'intuitif. Plutôt que de chercher péniblement à nous souvenir de nos rêves de la nuit passée, le moment clé se situe maintenant, au moment où je vous parle, à la nuit tombée, juste avant d'éteindre la lumière

(Des ooooh de surprise et d'étonnement)

L'enfant éventra sa trousse d'écolier laissant s'éparpiller sur la moquette épaisse de la chambre, au pied de son lit, des dizaines de stylos multicolores. Puis ce fut le tour d'un rouleau de papier de circuler paisiblement entre chaque jouet, s'offrant à l'envi, s'étiolant par lambeaux à l'un puis à l'autre en un rite sacrificiel.

Allons, allons, est-ce que chacun est muni d'un stylo et d'un bout de papier ? reprit-il avec fermeté.

(Assentiment général)

Je propose une offrande à nos sommeils respectifs comme liste au père noël. Chacun y reprendra les points qu'il souhaite voir abordés et débattus durant la nuit, les questions restées sans réponse...

J'imaginais bien ce qui put traverser l'esprit de la chenille en mousse usée par les années dans le fond de la petite chambre, du chien-coussin tout sale, ici, aux première loges, de la timide tortue qui sentait la fraise là-bas sous le rideau, la carapace mangée par l'obscurité... Tout un monde de noeuds spécifiques à défaire ! De longues secondes imprégnées de silence introspectif et de sérénité s'écoulèrent. Puis l'enfant conclut :

A présent posez délicatement votre lettre sur la table de chevet. C'est à cette nébuleuse intime qu'elle est adressée. Sa tâche consistera dès lors à proposer des clés, chercher des réponses dans les tréfonds vertigineux de nos inconscients, creuser follement autour des racines, pour en extraire les huiles essentielles, celles de l’espoir jamais vaincu... Le sommeil abattra un travail titanesque pendant que se reposeront nos enveloppes corporelles sans jamais chercher à en comprendre ou décortiquer les fruits complexes. Nos rêveries se chargeront toutes seules, sans effort, de distiller goutte à goutte dans nos vies diurnes un sens qui donnera à nos pas la vraie cadence, celle de ceux qui se savent être librement sur les bons rails de l’existence. Des effets qui se feront sentir au fil des jours, comme, en creux, autant d'échos dans nos êtres.

C'est le moment que choisit son papa, alerté par tant de gouaille dans un si petit corps et à une heure aussi tardive, pour actionner nerveusement la poignée.

Romain qu'est-ce qui se passe, ouvre !

Mais le bon petit diable était prévoyant, méticuleux, imparable. Il avait tantôt subtilisé la clé qui lui permit d'achever en beauté sa diatribe par cette phrase un rien solennel :

Du nécessaire retour aux sources pour déterrer sa boussole, de l’utilité de se servir du rêve comme d’un guide indispensable, indéfectible sur le sentier lumineux qui mène à la connaissance de soi, de cette croyance, la seule qui vaille, jaillira la lumière mes amis.

Chacun regagna sa place dans la chambrette, le petit garçon retrouva la chaleur de la couette, ferma les yeux, mais devant les coups qui redoublaient d'intensité contre la porte, endossa avec une facilité déconcertante le rôle du marmot qui sorti d'un mauvais rêve, candide et apeuré, court tourner la clé d'un main tremblante sous le regard attendri d'un papa soulagé. C'est ainsi que les choses de la vie reprirent leurs cours monotone.

Je ne pouvais après coup m'empêcher de penser qu'après l'avoir pourtant renié avec véhémence, non sans raison, l'enfant venait mine de rien de livrer un morceau de bravoure en vulgarisant la fonction profonde de la prière dans les civilisations chrétiennes. Avait-il par ailleurs conscience d'avoir à son tour, isolé, enrôlé, embrigadé tant de libertés individuelles, furent-elles en peluche ?

Stephen Wright. Jim Nisbet


GOING NATIVE (ETATS SAUVAGES) Stephen Wright


Le vrai choc de la littérature contemporaine made in US. J'avais aimé, adoré le Bret Easton Ellis d'American Psycho ou de Lunar ParkDenis Johnson et son fabuleux recueil de nouvelles Jesus Son, mais à mes yeux rien ne vaut l'indépassable Going Native, malheureusement trop méconnu.

Le livre de Stephen Wright lie un style singulier inimitable, foisonnant, à une narration en tranches de vie qui les unes avec les autres finissent par composer un Road Movie existentiel, une parabole universelle sur la violence ordinaire.

J'en retiendrai quelques morceaux d'anthologie dont cette rencontre improbable entre deux tueurs en série puis sur le tard une soirée aseptisée qu'organisent dans leur pavillon cossu - agrémenté d'objets d'art primitif beaux sous tous rapports - un couple de bobos américains racontant avec passion leur équipée roots - pas un voyage organisé, très peu pour eux - au coeur de l'Amazonie pour finir par tomber nez à nez avec un portrait de Jack Nicholson. Moments et bouquin d'éternité à découvrir d'urgence !

SOUS LE SIGNE DU RASOIR (Jim Nisbet)


Je ne comprends pas que le chef d'oeuvre de Jim Nisbet n'aie jamais fait l'objet d'une adaptation au cinéma. Du traumatisme originel à la libération finale, un roman désabusé, sombre et cynique, qui sous des faux airs de film noir revisite divinement la notion de "happy end". Un style pas facile mais, passée la barrière de corail, la lecture n'est plus seulement clémente, elle devient ce voyage sans retour sur des terres anxiogènes, rougeâtres mais néanmoins hospitalières.

Coupé décalé. Bouts de papier d'hier, patchwork d'aujourd'hui. Urt 2012

Une malle moisit depuis trop longtemps à la cave. En y farfouillant, je fais cette étrange découverte : des milliards de bouts de papier identiques en taille soigneusement découpés dans des journaux des années 70 et 80 qui se tiennent bien chaud dans des sachets de tissu malodorants. Ma première mission sera de leur offrir un bol d'air salutaire sur le gravier brûlant du jardin. La deuxième consiste en un prodigieux effort de mémoire : à une certaine époque, ma mère en passait des heures à découper de petits rectangles dans les journaux pour en faire d'improbables pochettes destinées à habiller nos cassettes audio d'antanPasse-temps forcément inutile aux yeux d'un profane mais dont l'ingénieuse vitalité quelques décennies plus tard me saute furieusement aux yeux : matière première phénoménale ! C'est ainsi que me vient l'idée d'assembler les premières pochettes pour faire exister des morceaux d'histoire surgis de bouts de papier d'hier.


HUMEURS s'est fait d'un trait sans réflexion particulière. Avec le recul, il s'est construit de lui-même pour souligner les va-et-vient, les indescriptibles hauts et bas d'un cyclothymique qui ne s'ignore plus, mieux... qui s'assume.

DUKE IN BASTILLE est une ode au naïf Icare des nuits parisiennes, de ces orgies dont l'acteur ne sort jamais indemne.



TINTO outre la couleur qu'il désigne en portugais (le rouge) s'est naturellement imposée comme une réminiscence lointaine et diffuse du Caligula de Tinto Brass.


Parmi les cassettes que j'écoutais alors il y avait des "compils maison" dont l'immortel Clouds across the moon de Rah Band




Une maison d'enfance à Douala. 2010

Le nom du quartier d'abord. Ancien aéroport, c'est déjà en soi le deuil assumé d'un lieu, fut-il de passage, de transit, d'échanges, de promesses, de trafics en tous genres. Souvenirs compris.


On est à Douala quelque part après le rond point Hôtel de l'air, coincés entre les 11 mois et les 2 ans de Nahia. Photographie du passé pour immortaliser la déco, le soleil s'est assoupi sur ma peau brûlante, le bois rouge vire imperceptiblement au gris surtout après les grosses et vilaines pluies de la petite saison. Ondées qui délavent le fonds du ciel quand l'Harmattan vient boucher dangereusement l'horizon pendant que les mangues bombardent le deck en bois comme pour imiter les petites balles de plastique bleu autour du jardin d'éveil.


Le tourniquet maison est aussi là, bordé de jolies plantes vertes non loin du poste avancé de Gilbert (bientôt viendra le tour de Coca) près du portail défraîchi.


Il y a aussi le petit bar à Isenbeck glacées (la meilleure bière du monde) calé pour répondre aux transats en transit depuis Kribi. Entre eux, la piscine "bleue puis calme puis pas de requins".


Autant de petits souvenirs qui s'agrègent, s'amoncellent, s'ajoutent les uns aux autres pour habiller les lieux d'une histoire, contribuer à faire de cette villa, un jour prochain, une authentique demeure hantée sur le boulevard du crépuscule.


Billy Wilder ne l'a-t-il pas divinement mise en valeur dans Sunset Boulevard (1950). Vestige d'un passé glorieux, symbole du paradis perdu dans lequel flotte en ce moment le corps du présent ?


La musique emblématique de cette époque était probablement Ancien Combattant de Zao que j'avais découvert dans l'une de ces compilations répondant au doux nom de "Anciens succès du temps passé" .