Nombre total de pages vues

Rechercher dans ce blog

mardi 3 septembre 2013

Graciet d'Urt à Porte de Champerret

En empruntant la route bucolique qui chemine en longeant l'Adour vers le petit port fluvial d'Urt, je me surprends à rêvasser, opérant une sorte de Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985) pour un voyage éclair vers le milieu des années 80 dans la peau de Marty Mc Fly - Michael J Fox a été mon premier modèle en termes d'identification masculine lorsque l'adolescence fut venue un mercredi soir. Une histoire de timing hormonal j'imagine.


Tout y contribue, faut bien reconnaître :


Je suis au volant d'une redoutable Jaguar Sovereign modèle 1980 n'ayant rien à envier ou presque à la mythique De Lorean du film. Montée sur coussins d'air, elle est galbée d'un cuir vert cintré tout droit sorti du siècle dernier. Du lecteur-cassettes indemne se répand dans l'habitacle du Christopher Cross puis du Jean Ferrat qui suppurent avant d'enflammer littéralement ma mémoire. Michel Jonasz couronne le tout sur un millier de fourmis rouges unies vers l'uni.

De retour à l'Ermitage, je remets la main sur un vieux lecteur 33 tours, il m'est agréable de constater que Madonna et Kool And The Gang ont encore de la gueule à mes oreilles... L'Amstrad CPC 464, comme le CPC 6128 ont en revanche définitivement rendu l'âme malgré des trésors de méticulosité déployés pour essayer de leur rendre un souffle de vie, celui qui m'aurait permis de refaire un tour de manège aux commandes de Ghost'n Goblin ou Dun Daragh... Ce sera pour plus tard.

J'ai également pris la décision de faire numériser 3 bobines Super 8 trouvées dans la cave. Je pressens qu'elles ne manqueront pas de saturer les couleurs jaunâtres de mes petits rêves polaroïd.

Dans pareil contexte, les pensées ne peuvent que rebondir vers l'arrière en un bruyant rewind. Redescendre en pente douce vers la source tout en bas du jardin et dont il faudra bien que je teste un jour la potabilité. Je repense à mon père évoquant le souvenir de feu Jean Graciet (la première âme dépositaire de l'Ermitage) envoyant mécaniquement chaque jour de grand ciel bleu son fidèle Battitia en contrebas de la vallée silencieuse, Bambi halluciné au milieu des écureuils, venant y puiser la précieuse eau de source pour noyer le pastis du patron - Battitia y buvait-il le sien en cachette ?


Après avoir acheté la maison en 1971, mon père a souvent côtoyé un Battitia vieillissant qui lui rapportait moultes anecdotes des jours anciens de l'Ermitage. Puisqu'il en fut un témoin silencieux, privilégié. Et pour cause : c'était lui, c'était le chauffeur, l'homme à tout faire. Parmi les innombrables et facétieuses histoires surgies de la première moitié du XXème siècle, cette fameuse rengaine du patron quand le besoin s'en faisait sentir quelques fois l'an. Sans préavis, Graciet "sonnait" Battitia, lui lançant à la cantonade de son r gras, surexcité, roulé dans la farine :

  "Allez, Battitia, Porte de Champerrrrret"

Et Battitia d'apprêter la voiture puis d'emmener dans la nuit M. Graciet vers Paris, Porte de Champerret où il y retrouvait ses maîtresses, ses filles de joie capitale si remplies d'amour, si débordantes d'expériences tactiles et doucereuses pendant que Battitia patientait, s'émerveillant qui sait de la grand ville jusqu'aux aurores, bien au chaud dans la voiture garée sur le trottoir d'un boulevard de ceinture.

Puis le matin rappliquait. Reprendre la route qui les ramènerait sur les bords de l'Adour en fin de journée ou la nuit suivante. Et sur le chemin du retour, l'habitable ne manquait pas de résonner des échos lointains de leurs petits exploits parisiens, d'une complicité qui se passait de mots, le coffre plein de numéros spéciaux de L'Illustration et de Match, les têtes farcies de souvenirs communs ou pas mais qu'un bref échange de regard dans le rétroviseur ravivait subtilement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire