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jeudi 31 décembre 2020

109 millions de sangrias. 2010

La première image ? Moi découvrant dans un rayon de la FNAC ce divin recueil de nouvelles signé FX TOOLE. Une claque et une rencontre dans un lieu où je me suis toujours senti chez moi. En sécurité.  

La vie nous en fait de belles, c'est ce qu''il faut en retenir. Jamais d'amertume. Remercier d'être là, d'être qui on est, d'avoir le parcours qu'on a eu. Sentir un peu comme le personnage incarné par James Stewart dans La Vie est Belle que sans nous le monde aurait été bien différent. Alors qu'importe si nos idées n'ont pas été reconnues, encouragées, qu'importe qu'on nous ait "pris", "emprunté" des projets d'écriture... Peu importe puisque la petite flamme intacte à l'origine de ces naissances, est toujours là bien au chaud quelque part derrière mes côtes flottantes, sous mon crâne en joie. 

Il y a fort longtemps, donc, j'ai gardé contact avec un ami de l'EDHEC devenu producteur de ciné après avoir enchaîné après notre école sur la FEMIS.

On était assez proche, il y avait bien sûr le lien associatif (ETNA) mais aussi la mort prématurée de 2 de mes amis de promo qui avait scellé comme un truc fort. Ce que je pensais en tout cas.

Un lien renforcé par ma passion pour le ciné et le fait d'avoir tenté à mon tour la FEMIS après l'EDHEC (sans succès me concernant).

Tout ceci m'amène à ce qu'il me parle un jour d'une envie forte : adapter une nouvelle sur la boxe anglaise pour le cinéma. Il cherche, il sait que je m'intéresse depuis toujours à la Boxe. Il a pensé à adapter Le Boxeur manchot de Tennessee Williams.  Je viens de lire alors un recueil fabuleux (La brûlure des cordes, FX Toole) qui sort à peine (on est en 2002) et lui suggère immédiatement d'adapter une de ses nouvelles dont je suis tombé amoureux. Un truc terrible, qui donnerait sur grand écran un sacré film. J'en suis convaincu. Il ne donnera pas suite et ne produira finalement aucun film sur la boxe. Mais quelques années plus tard (2005), il vient pour un rendez-vous pro à Studiocanal où je travaille alors et me dit avoir pensé à moi depuis notre dernière entrevue et pour cause : la nouvelle dont je lui avais parlé s'intitulait Million Dollar Baby et Clint Eastwood avait immédiatement flairé le potentiel en rachetant les droits et en accouchant du film éponyme multi primé. Le genre d'histoire qui vous redonne un peu confiance en vous. Utile quand vous en manquez.  

Le temps file et je fais lire à ce copain un scénario de moyen métrage que j'ai écrit et qui me tient à coeur. Ca s'appelle Sangria au 109 et il a souvent plu à celles et ceux qui l'ont lu à l'époque. c'es un univers fantastique, poétique, contemporain, qui parle de vampires dans un Paris entre gris clair et gris foncé. Mon histoire culmine avec une scène une peu suicidaire qui voit mon héros, jeune vampire avec des problématiques adolescentes, quitter son repaire en tenue de motard, poussé pr son amoureuse, puis retirer tout son attirail au petit matin pour se mesurer au soleil.  A l'époque, le copain en question me suggère de rebosser le sujet qu'il trouve intéressant dans la direction d'une histoire plus "naturaliste" autour d'enfants de la lune. Et puis plus rien, aucun signe de vie, jusqu'à ce que je vois le film de son épouse sortir en 2010... Un film qui aborde le sujet des enfants de la lune avec une figure de père absente et ces mêmes problématiques adolescentes.  Une histoire probablement inspirée ou au moins stimulée  par sa lecture de mon Sangria au 109 et de ces échanges restés lettres mortes. Le héros du film s'appelle d'ailleurs Romain. Devais-je y voir un remerciement discret ?... Pourquoi ne pas m'avoir impliqué dans l'élaboration du projet ? Je regrette vraiment toutes ces occasions ratées mais elles sont toujours le terreau des vraies belles histoires. Celles qui vous redonnent la foi en vous-même. En vos valeurs.                

En remontant subrepticement par la pensée à l'époque de cette rencontre, au sein d'ETNA à ces moments de communion et de douleur après la perte de Cédric et Seb, me revient la bande son d'évidence de cette époque, c'est le son furieux couvrant le final du premier Year Movie de l'histoire d' ETNA. C'était Kamarad de FFF, cyniquement resté un mot creux pour certains de ces ex compagnons de route.  Mais qu'importe... pourvu qu'on ait la tendresse de s'en souvenir. De se souvenir de ces copains partis, de ceux qui sont restés, et de rester fidèle à ce qu'on est. En toute sérénité.


De cet album fétiche de mes 18 et 19 ans, Maman Krié résonne également, toujours aussi fort. Comme l'écho d'une mère absente.


Et lorsqu'on s'aventure sur ces chemins pour cette époque là, je ne peux pas ne pas réécouter Gil Scott Heron et son magistral Who'll Pay réparations on my soul


Pour finir, puisque j'ai commencé sur le Year Movie, une constante de l'époque pour l'inspiration c'est aussi Midnight Cowboy naturellement !


 

    



Cognac 2004.

La première image ? La sortie de la séance. A l'atterrissage. En 2004, me voilà au festival de Cognac. J'y suis sans autre objet que de voir des films, d'y repérer des oeuvres, un réalisateur, quelque chose qui inspire, qui ait du potentiel. C'est pour ça que je suis venu.

A vrai dire, pour la première fois, sans que je m'en rende compte, je suis payé pour faire ce que j'aime le plus au monde. J'ai passé du temps quelques années plus tôt à tenir les listings de films de ma mère lorsqu'elle a tenu le premier club video de Casablanca. J'en ai alors bouffé du film, avec passion. De Monty Python à Dario Argento. Mon histoire d'amour ça a toujours été le cinéma. Rien de plus fort dans tout ce que j'ai pu ressentir. Plus tard, me suis oublié dans les salles obscure de Vélizy (la caissière du cinéma de l'époque doit se rappeler de ce petit bonhomme qui venait tout le temps, tout seul qu'il vente, qu'il pleuve, séance du samedi minuit, le soir en semaine parfois) puis de Paris lorsque je suis rentré en France. C'était mon refuge, la fameuse cabane sur la plage qu'on vous invite à retrouver en rêve lorsque vous méditez fébrilement.

Ce jour-là, je travaillais, mon travail consistait à voir des films. Et je ne réalisais pas mon bonheur.

Or il n'y a que le cinéma pour me rappeler lorsque je suis perdu, en manque de repères et de confiance, que lui et moi nous avons une relation si unique...

Je décide un peu au hasard d'aller voir un film danois. Martin pluvieux. Le film est le deuxième opus d'une trilogie dont je ne connais même pas le premier volet.

L'expérience vécue dans une salle où nous étions de mémoire 2 ou 3, je m'en rappelle encore... J'étais physiquement transformé, je flottais en ressortant dans la rue.

En rentrant à Paris, mon hiérarchique arrête la lecture du DVD que j'avais ramené, me regarde, et tranche "tu perds ton temps, les films de l'est ça ne marche pas en video"

L'acteur principal, c'était l'encore méconnu Mads Mikelsen et et le réalisateur Nicolas Winding Refn. Ils ont fait du chemin depuis. Quant au film, c'était Pusher II With Blood on my hands. L'une de mes  grandes scènes de fin préférées au cinéma.

Le genre d'expérience qui ne s'oublie jamais.



mercredi 4 novembre 2020

Shout ! 2014

 Sous-estimé, je ne sais pas, je me souviens du 45 tours, de ce que nos aînés de quelques années écoutaient, le culte qu'ils vouaient à Tears for Fears. Sorti en 1989, Sowing the seeds of love est un album fantastique, aux orchestrations riches, audacieuses, profondes aussi. Déjà en 1985, le doute était peu permis lorsque Shout ! est sorti. Je découvrais la France et le froid rigoureux en passant par la case Vélizy et je ne me doutais pas un instant que cet appel à m'égosiller follement me servirait plus tard, me sauverait même peut-être la couenne en une ou deux occasions sur lesquelles j'aime à revenir de temps à autre.

D'abord, il y a ce souvenir qui me hante toujours. Années 80. Automne je dirais. Pluie fine. Une ligne droite, un tournant, un panneau 4`3, un pied rageur sur l'accélérateur, pas le mien. une sortie de route prévisible et ma gorge nouée à côté, à la place du mort. Un son prisonnier à tout jamais parce que la menace qui pèse des 2 mains nerveuses sur le volant de la Fiat Uno immatriculée SS est inévitable. "On ne peut pas passer dessus, on ne peut pas passer dessous" comme nous enseigne La chasse à l'ours. C'est la quintessence du. chantage affectif ultime. "Si tu l'ouvres, je me tue", et en l'espèce je nous tue aussi.. Dans un tel contexte, vous baissez pavillon, vous noyez votre petite voix dans la peur, vous vous oubliez, vous êtes un bon garçon, vous retenez vos coups et dites à l'autre ce qu'il veut entendre, ou plutôt donnez le silence pour espérer traverser sans encombres cette épreuve au terme de laquelle vous vous êtes calcifié, vous avez tu (et tué) quelque chose en vous qui passe si souvent comme un filet de vie par la voix...

En 1991, une fois mon permis en poche je revivrai seul, au volant, la scène un soir de trop d'alcool, et quitterai la route au même endroit. Catharsis numéro 1.      

Des années plus tard, nous sommes en décembre 2014, je rallie Douala depuis Brazza où j'ai vécu comme une expérience mystique, le genre de communion avec le tout, au cours d'interminables marches dans Brazzaville sous un soleil d'une puissance cosmique. Un vendredi soir, je suis de retour dans ma chambre d'hôtel et revis cette scène de l'époque, dans cette voiture, à la place du mort, je rejoue la scène mais cette fois hurle et m'empare du volant, extériorise tout qui et resté comme coincé dedans depuis lors... Le nuit arrive, et j'ai fermant les yeux comme les pages des croquis de Leonard De Vinci qui s'impriment derrière mes paupières : des tracés jaunâtres d'une finesse confondante,  comme un grand dessein qui s'offre à moi. Catharsis numéro 2.

Curieusement, dès le lendemain matin, je suis étrangement bien,  la voix toujours rocailleuse est limpide, de cristal. Cet état se prolongera quelques semaines. 1 semaine plus tard, je suis sur l'axe Kribi Edea. je revis étrangement une scène déjà bévue sans m'en rendre compte. Elle est au volant, je suis à nouveau à la place du mort et la tension monte à nouveau de façon irrationnelle, déraille possiblement comme à l'époque, sauf que je suis calme, détendu, rien ne peut m'atteindre et probablement que ce détachement, cette capacité à laisser glisser sur le cuir de mon esprit zen les insultes et provocations, les tentatives d'intimidation et de chantage, l'invitation à mourir en pleutre ou en furie, cet état était le fruit de cette répétition Brazzavilloise. tant de mystères en ce bas monde restent d'insondables énigmes. Mais souvent, comme cette fois-là, le cri dès lors qu'il avait été rendu possible s'était révélé immédiatement libérateur.              

A chaque nouvelle écoute de Shout !, je me dis : ça tient à quoi de trouver une rengaine entêtante un refrain qui te secoue l'âme et t'électrise le corps ? Pas grand chose hein... Ce refrain, cette montée, produisent le genre effet qu'a un Gonna Fly now de Rocky sur nos vies. La promesse n'est-elle d'ailleurs pas contenue dans le titre de Bill Conti ? Laisse le son de ta voix s'envoler comme ç'aurait du être le cas ce fameux jour sur cette ligne droite Vélizienne s'achevant sur un coude et son panneau 4*3. 


 






samedi 24 octobre 2020

Petite musique pour les masses 1988

L'album le plus beau, le plus traumatisant, qui se soit emparé de mon cerveau en 1988. Ecouté, réécouté, sans cesse, pris du désir de m'envoler sous terre, de comprendre l'idée du terrier,  de l'hibernation, surtout en fin de cette adolescence, lorsque l'oeil s'entrouvre, le 3 ème, que l'on comprend ce qui s'est joué de plus malsain, pervers, sous son propre toit. De la manipulation des uns pour étouffer, éteindre les autres, par des voies et des raisons souvent obscures et inavouables probablement. Voir se vérifier l'adage selon lequel les meilleurs d'entre nous se sacrifiant à chaque inspiration, parce que tout leur être est tendu vers le respect de l'autre, des autres, des siens, finissent immanquablement par s'en aller les premiers. Tout est là. En vie comme en guerre.

Année scolaire 1987/88. Je me souviens de cette rencontre en seconde. L'internat bien sûr, mais une rencontre avec un camarade de classe. Cédric (c'est un prénom qui aura compté pour moi) Il a vécu comme moi plus jeune à Abidjan. On se promet de se retrouver pour la nouvelle année 2000 dans le hall de l'Hôtel Ivoire... Voeu naturellement pieux. Truc d'idéalistes mal dégrossis quand on a 14 ans. Tout ça nous semble évidemment à des années lumière de cette rentrée scolaire. 2 ou 3 vies plus loin, inaccessible réalité... Le rendez-vous aurait dû avoir lieu il y a 20 ans déjà... Le temps, sacré faux ami.. 

Mais Music for the Masses lui n'a pas bougé d'un iota. Ca au moins c'est toujours une bonne affaire.

We're flying high, we we're stil watching the world passing by, never want to come down, never want to put my feet back down on the ground.

Pourquoi faire ?   









       

vendredi 23 octobre 2020

Fragile été 1987

 


Esbjorn Svensson, Michael Brecker, Pat Metheny et Sting pour l'inspiration...
En 4 noms, 2 décennies précieuses et douloureuses et indispensables de ma vie quelconque, pareille à tant d'autres... C'est en même temps dans ce qu'on partage le mieux de trivial et d'imbécile qu'une renaissance se fait jour le plus simplement du monde.   
Metheny et mes explorations sans frontières, mes roaring eighties, ma B.O.F intime la plus tangible de l'époque. Brecker même combat en débordant un peu sur les années 90 et les Brecker Bro naturellement, Michael et Randy, avec Benson ou Sandborn. Ils sont alors de toutes les fantastiques tentatives de renouvellement d'un jazz qu'il soit rock, free ou d'ascenseur.  Svensson est arrivé dans mes oreilles après,  fin des années 90, début des années 2000, je dirais... Sting recouvre et rejoint tout, c'est le skah, le rock, la pop, et puis l'on se revisite ainsi ni pop, ni Police, juste une grâce des plus totales, notamment sur ce morceau qui rappelle combien il faut aimer, choyer, protéger, chérir la toute petite lumière, si vacillante, de nos vies éveillées, le temps d'un souffle, aussi rauque fut-il, le jazz c'est ce droit à l'expression libre, dans une langue qui naît à l'aube de l'humanité, dans le souffle qui passe sur les feuilles d'un arbre, la musique ensorcelante de la pluie sur les rochers, tout passe alors, tout doit passer, d'intuitif, de tactile, de respiratoire, d'incandescence.
L'été 87, j'ai beaucoup écouté Nothing like the Sun, c'était aussi le temps de Midnight Oil et son beds are Burning. Ce mois d'août , la famille était encore soudée, au complet, même si sourdaient les changements à venir, sociétaux comme intimes, familiaux.

Un exemple frappant de cette époque d'une autre vie : c'est cette rencontre avec 2 vacanciers allemands, revenus dans ce petit village du sud de la France le temps d'un été pour rendre visite à la grand-mère de l'un d'eux, ayant vécu une histoire d'amour avec l'occupant pendant la seconde guerre mondiale. On sympathise, mais on sent que dans le souvenir et l'intimité des anciens, dans la famille, couve encore une forme de distance, de méfiance avec les "boches". Le passé est encore frémissant, certaines plaies à vif, mais les trente glorieuses ont permis à tant et tant d'Européens de se retrouver des points communs, des envies de plein emploi, de voyages, une capacité rare à se bercer d'illusions, à se convaincre que les années qui viennent seront à l'image de la fin des années 60 puis des années 70, insouciantes et jouisseuses, que les générations d'après seront encore plus à l'aise sur le plan matériel et heureux de vivre dans ce monde fantastique qu'on leur laissera, que la guerre ne reviendra jamais, que la Terre sera devenue ce lieu sûr emprunt de fraternité qu'ont appelé de leurs voeux nos parents alors quarantenaires sur les photos d'août 87 en compagnie de ces amis allemands compagnons d'un été...              

Le mur de Berlin tombait d'ailleurs 2 années plus tard, finie la guerre froide, le paradis semble alors à portée de main... Et pourtant...  C'était déjà les prémices d'un changement de monde via la mondialisation d'abord espérée, adulée, avant que chacun ne déchante... Il faut à chaque instant se garder de conclusions  hâtives et d'enthousiasme trop béat.

Je crois que cette version de Fragile, la façon dont les musiciens la revisitent dit beaucoup de tout ce qu'a laissé croire à tort cette époque illusoire au coeur de laquelle le titre et l'album de Sting était sorti.

Je ne sais pas vous mais quand je réécoute Fragile, Sister Moon, ou Be still my Beating heat, je revis cet été 87, et vu d'ici, maintenant, l'époque ne produisait que du faux, n'était qu'un mirage, et reste le sentiment de m'être bien fait avoir...



Ceci n'enlève rien à ce que j'adore chez STING. Cette capacité à se renouveler, explorer de nouveaux horizons comme avec l'aventure des Blue Turtles et son fabuleux Bring on the night  !

 




   


  
 
        

dimanche 30 août 2020

The Poet. 2016


19 minutes pour respirer vers l'inconnu tout en cultivant ses racines. Des accords (avec le tout) et un chant (profond) qui rappellent que c'est dans le calme (je pense à la force tranquille, au classicisme d'un Khalil Chahine par exemple et son merveilleux Mekhtoub) d'un orient mystique, brûlant, intérieur, que l'on peut sentir battre le pouls millénaire de l'immortelle Arménie, la preuve et la mesure de la résistance à soi-même, à ce qu'on est viscéralement, la révélation d'une forme d'aimante indocilité qui fait qu'on existe malgré soi, malgré tout !

J'ai découvert l'artiste et ce morceau grâce à un collègue, Maxime, à une époque où je travaillais dans les locaux d'Europe 1 avec quelques longs déplacements sur le continent africain. Au delà de ce que produit à chaque écoute ce morceau sur mon moral, au-delà de l'énergie folle qu'il m'apporte, me revient désormais toujours la même fantasmagorie. La captation est brillante car elle rend grâce à l'expressivité joyeuse et communicative de Tigran, elle crée aussi l'intime, dans les regards que partagent le pianiste et son batteur notamment. Un dialogue d'une émotion immensément riche. Ici le morceau commence à 21mn.

Alors je me fais à chaque fois mon petit film : ce morceau, The Poet, serait inachevé, c'est le postulat de chaque voyage lorsque je me plonge dans le morceau. Lors de la première inaugurale sur scène, l'un des fidèles de pianiste, n'arrivera jamais sur scène. On l'attendra en vain. Il s'agit du saxophoniste. Partant de ce drame, Tigran va faire d'inlassables répétitions, vécues comme des transes, des incantations mystiques pour que l'impensable se produise, pour ramener son camarade à la vie sur scène. Qu'il revienne, qu'il entre en musique exactement au moment où il était attendu... Après ce long récital du pianiste... Cette prise de 19 minutes serait donc la fameuse prise, l'enregistrement pendant lequel le miracle se sera enfin produit, le moment tant attendu où enfin l'on entendra sur cette musique le cuivre tant désiré. Celui qui depuis l'origine était espéré, viendra jouer sa partition. Il a l'air de n'importe qui, il ne semble pas spécialement attendu, il est là, comme une ombre, et tout ce qui précède son "moment " renforce cette idée qu'on a enfin basculé dans la réalité telle qu'elle aurait dû rester si le drame ne s'était pas produit... Les efforts de tous les autres n'ont pas abouti à ce qu'un musicien revienne d'entre les morts mais plutôt à ce que le temps se chiffonne pour ramener tout ce beau moment à l'instant même où rien n'aurait dû se séparer, se disloquer... 

C'est comme ça que le morceau m'entraîne à chaque écoute vers des sommets d'intensité. C'est pourquoi lorsqu'un vieil ami musicien et mélomane a perdu son papa il y a quelques années, j'ai tout de suite pensé  à ce morceau certain qu'il y trouverait du plaisir et du sens et du réconfort et peut-être aussi cette magie qui lui permettrait de deviner dans l'obscurité des recoins de l'écran, de la  scène, quelque part, ici ou là, une silhouette familière au regard attentif, celui de son papa, serein et attentif à l'écoute émue de son fiston Ricou.  

Maxime m'avait d'ailleurs aussi fait découvrir à cette même époque Roberto Fonseca qui lui m'entraîne dans son sillage, dans ses profondeurs abyssales, les tréfonds d'un spleen, dans les ombres du ventre où peut alors se retourner la terre, où l'on peut la revitaliser, faire germer de nouveau la vie et peut-être l'amour. Est-il jamais perdu ?  


samedi 1 août 2020

Angel Heart Broken 1987


Séance de minuit. Samedi soir. Combien de fois me le suis-je offert à cette époque bénie ? Vélizy après minuit, c'était mon royaume. On était rarement nombreux dans la salle et rentrer à pied était toujours une aventure spirituelle. Je me refaisais le film. Du cinéma au 60 rue de Villacoublay, peut-être 20 minutes de marche. Une respiration profonde, un sentiment de liberté.
     Mais on est en 1987. Et Angel Heart vient de sortir. Mad Movies m'a ouvert l'appétit. Il est 2 heures du matin. et c'est l'une des rares fois où regagner mon immeuble à pied ne sera pas de tout repos.
Des chiens hurlent maintenant que je traverse la zone d'emplois. Une cité devenue post-apocalyptique lorsque les sièges des grandes sociétés deviennent autant de coquilles vides flottant sur une mer de béton... Vélizy-les-flots-gris n'est jamais aussi anxiogène qu'au coeur de la nuit. même lorsque vous rejoignez la lisière du bois dense et mystérieux de Meudon.
Une question m'obsède sur le trajet : sous quels traits Louis Cypher m'apparaîtra-t-il ?
Depuis ce jour, je n'ai plus jamais regardé ni les oeufs ni les poulets de la même manière. 
Angel Heart est un bel exercice de style avec un supplément d'âme, une bande originale fabuleuse (que je re-livre ici) et de bien grands acteurs. C'est aussi (comme pour Blade Runner dans un univers différent) le mariage réussi du film noir et d'une veine horrifico-fantastique (Rosemary's BabyL'Exorciste...).
Enfin, comment oublier Mickey Rourke (l'acteur indépassable de quelques films qui l'auront avalé tout cru comme un certain Brad Davis pour Midnight Express) hurlant à la mort "I know... Who I am !" ?.


jeudi 30 juillet 2020

Le jour ni l'heure 2011

C'est en octobre 2011, j'arrive tout seul à Urt, autant dire à poil. Le ténébreux éclaireur laissant à dessein au pays femme et enfant pendant près de deux mois. Facile sur le papier, mais l'idée vaut noblesse et souffrance.
Je sens bien qu’il me faudra tâter de la solitude pour capter, extraire du fond de l'air les ondes positives émanant des noms illustres qui foulèrent un jour cette terre si fertile des bords de l’Adour.
C'est ainsi qu’un matin glacial, à dos de VTT fraîchement acquis en vue de perdre quelques kilos superflus, je regagne encore ensommeillé le petit chemin communal, segment très court qui borde l'accueillant cimetière du village. Les extrémités de mes doigts sont en berne, je les réchauffe d'une haleine toute matinale avant d'arpenter fébrilement les allées silencieuses à la recherche de la fameuse tombe de Roland Barthes à l'épitaphe obsédante : Le jour ni l'heure. 
A la faveur d'un premier rayon de soleil rasant, radieux, je la repère enfin. J’y cherche l'état second, l'apnée mentale qui nous fera entrer en contact. Mais en lieu et place du miracle espéré, je deviens tout bleu, le nez congelé au vent mauvais ne sent rien passer de miraculeux. Ne subsiste que le bruissement des dernières feuilles ornant le platane dégarni à l'entrée du carré silencieux.
Je rebrousse chemin, ignorant si je me suis ou non chargé de l'énergie créatrice du maître, espérant tout au fond de moi que la magie opèrera dès mon retour à l’Ermitage. Seulement la routine, autoritaire, reprend ses droits : sortir les poubelles, lancer une machine, assurer le repassage, lustrer le vénérable parquet, ramener du bois sec de la remise afin de raviver l'âtre oublié de la cheminée, manger puis laver mon assiette. Regarder la télé, m'insensibiliser à la dévorer sans relâche mais surtout sans appétit, m'effacer lentement devant mon désir.
Même le fascinant spectacle quotidien des 4 écureuils exécutant de façon anonyme quelques fabuleuses figures acrobatiques dans les arbres nus qui encerclent la maison par l'arrière me laisse anesthésié.
Je suis bredouille, ne voyant se matérialiser ni le jour ni l'heure du début d'un commencement d'histoire... Reste bien une piste, la seule qui vaille : de source sûre, Pierre Benoît a séjourné de nombreuses fois à l'Ermitage durant la première moitié du XXème siècle, il y aurait paraît-il écrit des bouts de roman. Son esprit pourrait-il alors m'insuffler quelque chose de libérateur, d'euphorisant ? Sera-t-il ma planche de salut ? J'ai la faiblesse de le penser.
La nuit suivante, des bruits sourds résonnent. Ca vient d'en bas. J'ai peur. Ils proviennent sûrement de la chaudière capricieuse tapie dans le sous-sol. Mais ne semblant pas vouloir disparaître, ils m'obligent hélas à quitter la chaleur de mon vieux lit qui grince. Je descends à pas comptés, pieds nus glacés, armé d'une lampe torche sujette aux faux contacts. Les bruits ont disparu lorsque j'arrive à la cave mais ils reprennent de plus belle alors qu'en regagnant la chambre je m'arrête devant le petit bureau que j'ai soigneusement aménagé, érigé en temple, jusque-là inviolé, de l'écriture. Une information capitale me revient alors subitement en mémoire.  L'imposante rampe sur l'escalier de l'entrée, le bâtisseur de la maison, un certain Jean Graciet, l'a faite installer pour les besoins d'un Pierre Benoît qui dit-on boitait bas... Une évidence se fait alors jour : ce bruit lourd, caverneux dans la nuit n'est rien d’autre que l'écho de son coup de canne autoritaire pour m'enjoindre à sortir du lit, regagner dans l'obscurité l'ordinateur afin de respecter le contrat que ma conscience et moi avons passés début octobre. Et cette nuit-là, j'ai commencé à écrire...

Ce retour par la case Urt pour y passer 2 ans coïncide avec l'approfondissement de la culture Basque et la découverte de morceaux de bravoure de sa chanson. Baga Biga Higa de Mikel Laboa naturellement. Kalakan et son incroyable Sagarra Jo également !     






Bénédiction. 2007


Une fois sur place débute la nidation. On se cherche des repères et parfois aussi des poux. Religieusement, chacun s'observe en silence, jaugeant la nouveauté, invisible adversaire. Un huis clos matière à nourrir de soyeux récits sombres et mystérieux. Une acclimatation qui devient possible par le réglage minutieux de la température dans la maison,  pour créer l'illusion d'un pays chaud dans le pays froid, pour garder comme un pied rêvé à Douala. Dans cette demeure trop vaste, au coeur d’un village trop petit, l’étouffant tableau se peaufine donc au coin du feu : un refuge de circonstances où dès la nuit tombée se réchauffent à l'unisson trois petites âmes frigorifiées. Puis un beau matin il est question  d‘arpenter ce nouveau monde pour oxygéner en famille à défaut de les changer nos idées noires. L'occasion est alors belle d'un pèlerinage aquatique sur les rives de l'océan atlantique. Biarritz et son Musée de la mer. Littéralement cerné par tant de mètres cubes d'eau salée, où s’ébattent en s’épiant du coin de l’œil un phoque rigolard, quelques requins marteau à la mine austère, deux ou trois raies Manta prodigieusement gracieuses, je ne peux m'empêcher de repenser à ce 20 avril 2007 qui fera date dans ma compréhension du monde et de ses petits secrets jalousement gardés.
 
A l'époque, je reviens dans cette maison, quelques jours après la mort de mon père, afin de l'accompagner vers sa dernière demeure. La messe se fera dans l'église du village le lendemain. J’y passe ma première nuit, glaçante, dans la chambre principale, animé du secret espoir de l'y rencontrer sous les draps, au détour d'un couloir obscur à la faveur d'un hululement d'outre-tombe tout signe surnaturel interprétable, histoire de réamorcer le dialogue père-fils. La nuit s’écoulera, hélas, paisiblement, triste et blanche. Epuisé, n'ayant pu trouver le sommeil, accroché à un espoir qui s'amenuisa jusqu’à se fracasser contre les murs de l'aube. Je rejoins tête basse le café qui vient d'ouvrir ses portes sur la petite place du village et m'installe au zinc.
 
En réajustant la jolie cravate sombre sur mon fameux complet gris des occasions tristes, mon regard se pose sur le petit écran au-dessus du bar. Radiographies millimétrées de l'actualité récente, les informations se succèdent quand le miracle se produit enfin : dérivant à la surface d'un océan calme, un petit bateau de plaisance vient d'être retrouvé au large des côtes australiennes. La famille à son bord est portée disparue. A ce stade, aucune explication rationnelle... Je suis abasourdi. Pas que cette histoire me touche particulièrement, elle fait surtout écho à une anecdote dont je suis à cet instant précis le seul à pouvoir mesurer l'invraisemblable portée. J'ai écrit ma première nouvelle en 1998, 9 ans plus tôt. Un jeune homme y fait un rêve étrange émaillé de détails précis lui permettant d'expliquer les causes du drame qui s’est noué à bord d'un petit yacht. A son réveil, le jeune homme apprend par les médias que son cauchemar s'est effectivement produit pendant la nuit précédente. Mon père est la toute première personne à qui j'ai fait lire cette nouvelle. Il y a donc à ce moment précis dans ce café du point du jour que moi et moi seul à savoir que j'ai sous les yeux la manifestation surnaturelle de sa présence, le message d'espoir qu'il m'envoie deux heures à peine avant la messe qui lui sera consacrée. J'en tire un curieux soulagement. C’est ainsi. Des pères s’en vont pendant que d’autres le deviennent.  C’est un ami cher qui me l’a dit. La bande originale de ce souvenir c'est évidemment ARE YOU READY de PACIFIC GAS AND ELECTRIC ! ! !


samedi 27 juin 2020

Earth Wind and Fire !!! Be ever... in my ears, in my heart, in my mind ! 1984

J'ai découvert il y a peu Steely Dan, vraiment fort (l'album AJA notamment) riche sur le plan des harmonies, Groupe qui semble-t-il a inspiré beaucoup beaucoup de grands musiciens par la suite.

J'y trouve des parentés avec le style (que personnellement j'adore probablement parce qu'il a bercé mon enfance) d'un Michael Franks, dont l'album The Art of Tea a bercé les oreilles de notre petite dernière alors qu'elle était encore dans le ventre de maman.


Mais de cette époque, je mettrai par-dessus tout Earth Wind & Fire pour l'audace, l'esprit de recherche, les harmonies complexes, la rythmique unique, les voix sensationnelles, les textes habités, la capacité à mettre ce génie à la portée du plus grand nombre.

Alors, il est aussi vrai qu'Earth Wind and Fire est de ces musiques viscéralement liées à de la joie ressentie sur une banquette arrière (la fameuse Totoya puis la Volvo 464 à vitesse automatique que je conduirai quelques années plus tard à Lille.) Earth Wind and Fire c'est aussi ce vieux lecteur pour  cassettes rembobinées au stylo et cette même banquette arrière où je suis à présent tétanisé, parce que les lacets s'enchaînent au rythme de pneus qui crissent quelque part dans l'arrière pays, de petites routes sinueuses et détrempées au coeur mystérieux du Pays Basque, un bolide à la vitesse excessive, une conductrice incontrôlable, sourde à toute inquiétude, puis la sortie de route, la bouse de trop sur une chaussée détrempée... Enfin la reprise du souffle et de ses esprits. Plus de peur que de mal, heureusement. Sauf pour la mythique Toyota.         

     





mercredi 17 juin 2020

Un vent d'été déjà. Juin 2020


Juin 2020. Evidemment Frank Sinatra, c'est le dernier cadeau d'anniversaire que j'ai offert à mon père. Summer Wind (que j'ai découvert sur TSF ou FIP tout récemment) ne quitte plus mes oreilles, il est profondément addictif au sentiment de plénitude. Il y a quelque chose de "déjà entendu" dans ce démarrage, d'un peu classique pourrait-on penser, mais ensuite, le morceau devient singulier, enveloppant, ensorcelant de façon très unique. Il semble avoir été écrit pour vous et sur le chemin qui va du Square Bolivar au 32 de la rue des Amandiers le matin vers 08h10 alors que je croise le soleil pour la première fois en traversant la rue de Belleville pour gagner les hauts du Parc (du même nom),  je ressens parfaitement ce vent d'été que j'ai dans le dos, qui me caresse, bienveillant, et semble même depuis que quelques kilos m'ont quitté, apprécier d'avoir à moins forcer pour me soulever, m'encourager, toujours taquin, frais et de bonne humeur au petit matin. Moment autant plus appréciable que le confinement est remisé aux oubliettes jusqu'à nouvel ordre... Troquer le vent mauvais pour le vent d'été qui approche à grands pas. Quoi de plus stimulant ?