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dimanche 30 août 2020

The Poet. 2016


19 minutes pour respirer vers l'inconnu tout en cultivant ses racines. Des accords (avec le tout) et un chant (profond) qui rappellent que c'est dans le calme (je pense à la force tranquille, au classicisme d'un Khalil Chahine par exemple et son merveilleux Mekhtoub) d'un orient mystique, brûlant, intérieur, que l'on peut sentir battre le pouls millénaire de l'immortelle Arménie, la preuve et la mesure de la résistance à soi-même, à ce qu'on est viscéralement, la révélation d'une forme d'aimante indocilité qui fait qu'on existe malgré soi, malgré tout !

J'ai découvert l'artiste et ce morceau grâce à un collègue, Maxime, à une époque où je travaillais dans les locaux d'Europe 1 avec quelques longs déplacements sur le continent africain. Au delà de ce que produit à chaque écoute ce morceau sur mon moral, au-delà de l'énergie folle qu'il m'apporte, me revient désormais toujours la même fantasmagorie. La captation est brillante car elle rend grâce à l'expressivité joyeuse et communicative de Tigran, elle crée aussi l'intime, dans les regards que partagent le pianiste et son batteur notamment. Un dialogue d'une émotion immensément riche. Ici le morceau commence à 21mn.

Alors je me fais à chaque fois mon petit film : ce morceau, The Poet, serait inachevé, c'est le postulat de chaque voyage lorsque je me plonge dans le morceau. Lors de la première inaugurale sur scène, l'un des fidèles de pianiste, n'arrivera jamais sur scène. On l'attendra en vain. Il s'agit du saxophoniste. Partant de ce drame, Tigran va faire d'inlassables répétitions, vécues comme des transes, des incantations mystiques pour que l'impensable se produise, pour ramener son camarade à la vie sur scène. Qu'il revienne, qu'il entre en musique exactement au moment où il était attendu... Après ce long récital du pianiste... Cette prise de 19 minutes serait donc la fameuse prise, l'enregistrement pendant lequel le miracle se sera enfin produit, le moment tant attendu où enfin l'on entendra sur cette musique le cuivre tant désiré. Celui qui depuis l'origine était espéré, viendra jouer sa partition. Il a l'air de n'importe qui, il ne semble pas spécialement attendu, il est là, comme une ombre, et tout ce qui précède son "moment " renforce cette idée qu'on a enfin basculé dans la réalité telle qu'elle aurait dû rester si le drame ne s'était pas produit... Les efforts de tous les autres n'ont pas abouti à ce qu'un musicien revienne d'entre les morts mais plutôt à ce que le temps se chiffonne pour ramener tout ce beau moment à l'instant même où rien n'aurait dû se séparer, se disloquer... 

C'est comme ça que le morceau m'entraîne à chaque écoute vers des sommets d'intensité. C'est pourquoi lorsqu'un vieil ami musicien et mélomane a perdu son papa il y a quelques années, j'ai tout de suite pensé  à ce morceau certain qu'il y trouverait du plaisir et du sens et du réconfort et peut-être aussi cette magie qui lui permettrait de deviner dans l'obscurité des recoins de l'écran, de la  scène, quelque part, ici ou là, une silhouette familière au regard attentif, celui de son papa, serein et attentif à l'écoute émue de son fiston Ricou.  

Maxime m'avait d'ailleurs aussi fait découvrir à cette même époque Roberto Fonseca qui lui m'entraîne dans son sillage, dans ses profondeurs abyssales, les tréfonds d'un spleen, dans les ombres du ventre où peut alors se retourner la terre, où l'on peut la revitaliser, faire germer de nouveau la vie et peut-être l'amour. Est-il jamais perdu ?  


samedi 1 août 2020

Angel Heart Broken 1987


Séance de minuit. Samedi soir. Combien de fois me le suis-je offert à cette époque bénie ? Vélizy après minuit, c'était mon royaume. On était rarement nombreux dans la salle et rentrer à pied était toujours une aventure spirituelle. Je me refaisais le film. Du cinéma au 60 rue de Villacoublay, peut-être 20 minutes de marche. Une respiration profonde, un sentiment de liberté.
     Mais on est en 1987. Et Angel Heart vient de sortir. Mad Movies m'a ouvert l'appétit. Il est 2 heures du matin. et c'est l'une des rares fois où regagner mon immeuble à pied ne sera pas de tout repos.
Des chiens hurlent maintenant que je traverse la zone d'emplois. Une cité devenue post-apocalyptique lorsque les sièges des grandes sociétés deviennent autant de coquilles vides flottant sur une mer de béton... Vélizy-les-flots-gris n'est jamais aussi anxiogène qu'au coeur de la nuit. même lorsque vous rejoignez la lisière du bois dense et mystérieux de Meudon.
Une question m'obsède sur le trajet : sous quels traits Louis Cypher m'apparaîtra-t-il ?
Depuis ce jour, je n'ai plus jamais regardé ni les oeufs ni les poulets de la même manière. 
Angel Heart est un bel exercice de style avec un supplément d'âme, une bande originale fabuleuse (que je re-livre ici) et de bien grands acteurs. C'est aussi (comme pour Blade Runner dans un univers différent) le mariage réussi du film noir et d'une veine horrifico-fantastique (Rosemary's BabyL'Exorciste...).
Enfin, comment oublier Mickey Rourke (l'acteur indépassable de quelques films qui l'auront avalé tout cru comme un certain Brad Davis pour Midnight Express) hurlant à la mort "I know... Who I am !" ?.