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mercredi 4 novembre 2020

Shout ! 2014

 Sous-estimé, je ne sais pas, je me souviens du 45 tours, de ce que nos aînés de quelques années écoutaient, le culte qu'ils vouaient à Tears for Fears. Sorti en 1989, Sowing the seeds of love est un album fantastique, aux orchestrations riches, audacieuses, profondes aussi. Déjà en 1985, le doute était peu permis lorsque Shout ! est sorti. Je découvrais la France et le froid rigoureux en passant par la case Vélizy et je ne me doutais pas un instant que cet appel à m'égosiller follement me servirait plus tard, me sauverait même peut-être la couenne en une ou deux occasions sur lesquelles j'aime à revenir de temps à autre.

D'abord, il y a ce souvenir qui me hante toujours. Années 80. Automne je dirais. Pluie fine. Une ligne droite, un tournant, un panneau 4`3, un pied rageur sur l'accélérateur, pas le mien. une sortie de route prévisible et ma gorge nouée à côté, à la place du mort. Un son prisonnier à tout jamais parce que la menace qui pèse des 2 mains nerveuses sur le volant de la Fiat Uno immatriculée SS est inévitable. "On ne peut pas passer dessus, on ne peut pas passer dessous" comme nous enseigne La chasse à l'ours. C'est la quintessence du. chantage affectif ultime. "Si tu l'ouvres, je me tue", et en l'espèce je nous tue aussi.. Dans un tel contexte, vous baissez pavillon, vous noyez votre petite voix dans la peur, vous vous oubliez, vous êtes un bon garçon, vous retenez vos coups et dites à l'autre ce qu'il veut entendre, ou plutôt donnez le silence pour espérer traverser sans encombres cette épreuve au terme de laquelle vous vous êtes calcifié, vous avez tu (et tué) quelque chose en vous qui passe si souvent comme un filet de vie par la voix...

En 1991, une fois mon permis en poche je revivrai seul, au volant, la scène un soir de trop d'alcool, et quitterai la route au même endroit. Catharsis numéro 1.      

Des années plus tard, nous sommes en décembre 2014, je rallie Douala depuis Brazza où j'ai vécu comme une expérience mystique, le genre de communion avec le tout, au cours d'interminables marches dans Brazzaville sous un soleil d'une puissance cosmique. Un vendredi soir, je suis de retour dans ma chambre d'hôtel et revis cette scène de l'époque, dans cette voiture, à la place du mort, je rejoue la scène mais cette fois hurle et m'empare du volant, extériorise tout qui et resté comme coincé dedans depuis lors... Le nuit arrive, et j'ai fermant les yeux comme les pages des croquis de Leonard De Vinci qui s'impriment derrière mes paupières : des tracés jaunâtres d'une finesse confondante,  comme un grand dessein qui s'offre à moi. Catharsis numéro 2.

Curieusement, dès le lendemain matin, je suis étrangement bien,  la voix toujours rocailleuse est limpide, de cristal. Cet état se prolongera quelques semaines. 1 semaine plus tard, je suis sur l'axe Kribi Edea. je revis étrangement une scène déjà bévue sans m'en rendre compte. Elle est au volant, je suis à nouveau à la place du mort et la tension monte à nouveau de façon irrationnelle, déraille possiblement comme à l'époque, sauf que je suis calme, détendu, rien ne peut m'atteindre et probablement que ce détachement, cette capacité à laisser glisser sur le cuir de mon esprit zen les insultes et provocations, les tentatives d'intimidation et de chantage, l'invitation à mourir en pleutre ou en furie, cet état était le fruit de cette répétition Brazzavilloise. tant de mystères en ce bas monde restent d'insondables énigmes. Mais souvent, comme cette fois-là, le cri dès lors qu'il avait été rendu possible s'était révélé immédiatement libérateur.              

A chaque nouvelle écoute de Shout !, je me dis : ça tient à quoi de trouver une rengaine entêtante un refrain qui te secoue l'âme et t'électrise le corps ? Pas grand chose hein... Ce refrain, cette montée, produisent le genre effet qu'a un Gonna Fly now de Rocky sur nos vies. La promesse n'est-elle d'ailleurs pas contenue dans le titre de Bill Conti ? Laisse le son de ta voix s'envoler comme ç'aurait du être le cas ce fameux jour sur cette ligne droite Vélizienne s'achevant sur un coude et son panneau 4*3.