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lundi 25 janvier 2021

Marcel Roby : Foot, Pento et cicatrices 1989

La première image ? la sensation du sang chaud qui coule le long de mon avant-bras. Couloir de l'internat. Pendant l'étude. Juste avant il y a eu le bruit sec de la vitre épaisse de la classe qui éclate. je ne ressens pas encore la douleur... Ses voies, son chemin, ne sont connus que d'elle.   

Oublier ce qu'on a vécu de plus beau, c'est un métier.

Le foot est rentré dans mes veines un soir de 1982 à Urt. Un souvenir comme il en survit assez peu dans une existence.

Les fournisseurs officiels de cette émotion ne seront jamais assez remerciés. Une époque de Coupe du Monde qui était aux balbutiements de la machine à fric qu'elle est devenue. Imaginez que la mascotte c'était NANANJITO ! Qui s'en souvient ?

Pour une fois le foot et le cinéma si cher à mon coeur trouvaient un point de rencontre pour l'émotion, un terrain d'entente pour le scénario, le dépassement de la fiction par le réel. J'aimais déjà le drame, il m'ouvrait des horizons  nouveaux, des questionnements, des possibilités de réponses, d'explication, de compréhension, d'indulgence pour l'injustice, le mystère, l'insondable, l'infiniment inaccessible, l'inaccessiblement infini. J'étais servi.

J'ai un peu joué au foot grâce à Séville 82 mais je n'ai jamais fait partie des bons. Pas le physique pour. Arrière gauche. Du genre dernier rempart, valeur sûre prompte à défendre les siens envers et contre quiconque oserait venir nous chercher noise. Le vrai bon père de famille en somme avec peut-être un petit talent singulier, celui d'être gaucher. Justement.

J'ai toujours vu dans le football 2 idées fondamentales :

1 le ballon vous échappe sans cesse , vous brûle les doigts (de pied), il est un rêve que vous poursuivez mais qui vous fuit sans cesse, une chimère, un mirage au beau milieu du désert des Tartares. En cela, le foot est un art, un apprentissage, une leçon de vie, une philosophie. Une attente.et une quête.

2 vous êtes sur un territoire partagé et protégez votre clan, des vôtres, un héritage... la survie de votre culture en jeu, Depuis la nuit des temps, c'est ce que l'homme et l'animal font. Une histoire de territoire, de survie "des plus forts".

Et c'est probablement ce qui fait tant rêver. L'on répète, l'on rejoue l'éternelle lutte pour la préservation de la vie et sa consolidation par le succès des plus forts. Il n'est dès lors plus questions que de défendre son territoire mais bien de désigner "le plus fort" qui aura le droit dès lors de s'accoupler pour pérenniser la vie (symboliquement le but marqué).

Ajoutez la combinaison de différents joueurs aux aptitudes, aux fonctions différentes et la notion de plateau,  de joute guerrière, de jeu d'échecs vient se plaquer habilement sur la dialectique de l'apparition de la vie et de sa préservation.

Plus tard je suis en internat. 1987 à 1990. Marcel Roby. Particularité. Je partage le lieu avec les sports études qui se destinent à jouer pour le PSG. Romeo Calenda, Jérôme Leroy, Romain Arridiaux... Et Safet Susic qui vient chercher son fils à la sortie de l'école... Mais oui !

Drôle mais quand les futurs cracks du PSG nous rejoignent le soir dans l'enceinte du lycée pour jouer avec nous, jamais je ne me dis "oh la la, qu'est-ce qu'ils sont forts...", Mais le terrain est tout petit, et je note quand même la vista, l'économie de gestes superflus, le calme VS l'excitation de nous autres.

Je ne réalise pas non plus la chance de pouvoir jouer, se confronter à des futurs pros. Marcel Roby s'est vidé de ses écoliers. Le Lycée est devenu notre territoire à la nuit tombée. Un ensemble scolaire, un établissement fantôme rien que pour nous. Les interminables couloirs déserts. La cour déserte.

Pento l'homme à tout faire du lycée est aussi là. Il nous rejoint le plus souvent. On le raille un peu mais on l'aime Pento. Il a toujours la tignasse imprégnée de ce gel gominant et semblant faire une vaguelette vers le ciel gris du soir.

Et on joue; et on court, et on crie, et on se marre. Puis on rejoue parfois les affrontements dans le couloir de l'internat, mais au rugby. Ca pique, ça fait des bleus, ça fait mal.

Et on se prend un "pain" parfois par les plus âgés (R. Courtine le fou furieux).

Et l'on se calfeutre, on se protège avec la résistance trempée dans l'eau chaude de votre soupe chinoise lyophilisée, celle qui vous réchauffe l'âme.

Et l'on résiste au bizutage lorsque vous êtes foutu sous la douche. Sans ménagement.

Et l'on résiste avec ses posters de films recouvrant les murs.

Et l'on achète au sortir d'une rixe avec "Damiba" sa tranquillité en s'ouvrant le bras dans une baie vitrée de la salle d'études. Passé tout près d'un au revoir plus définitif façon Norbert Ekassi (grand espoir franco-Camerounais en Boxe anglaise à l'époque).

Curieusement, plus jamais on n'emmerdera le "petit nerveux"... Cette résistance était vaine, c'était reculer pour mieux sauter. Résister dans le courant vous précipite vers le chaos, votre perte. L'égo vous donne les mauvaises pensées, vous pensez pouvoir résister... Que nenni. C'est come pour les baïnes ou la vague en surf, il faut se laisser porter... Accompagner un mouvement qui vous dépasse.

Etonnantes ressources le "petit nerveux"... Il a fait un truc qu'aucun balafré de la vie (beaucoup d'élèves issus de la DASS ou de situations sociales pas simples à l'époque à Marcel Roby) ne fera jamais ici.

C'est là que j'ai compris. J'étais moi aussi sans le savoir un de ces balafrés. Peut-être aussi que ce qu'a le foot de mythologique c'est cette métaphore d'un rite individuel et collectif de passage où il faut entrer dans l'âge adulte. Par la première sélection, par l'attribution d'un numéro, par la scarification (si présente chez beaucoup d'ethnies d'Afrique de l'Ouest). comme ce fut mon cas.

J'ai beaucoup écouté de choses à l'époque. The DoorsSupertramp.





J'ai aussi découvert Prince et je me souviens d'avoir beaucoup écouté Let Love Rule (Kravitz) et Keep On Moving. Soul II Soul a qu'on le veuille ou non défriché le terrain pour Massive Attack. Mais Keep On Moving m'a toujours fait beaucoup plus d'effet qu' Unfinished Sympathy.





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