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dimanche 21 février 2021

Arlésien depuis 1986

Première image ? Vélizy. Les coulisses. Les bruissements du public qui s'installe. Moi entrant dans la peau de Frédéri. Devenant Frédéri. Mon coeur qui bat. Attendant l'Arlésienne.  

D'aussi loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours été du genre timide. J'aimais me cacher sous les tables. Je rêvais tout jeune de trouver du refuge au fond de moi-même, bien calé au niveau des talons, je voyais d'en bas comment la lumière du monde extérieur pénétrait mon enveloppe par ce qui tenait lieu d'ouverture pour les yeux. Deux fils ténus. D'en bas, on ne pouvait qu'imaginer le spectacle. Ma respiration sonnait le creux. J'étais recroquevillé. J'étais bien. J'étais au chaud. J'imaginais.

Je suis rentré d'Afrique et me souviens parfaitement de Madame Bourgeois et de Madame Bernald en 5ème, 4ème et 3ème. Maryse Bastié. Vélizy. J'y retourne souvent. En rêve. Je reprends les cours. Mais j'ai plus mon âge. Pas commode de s'intégrer, en même temps, j'ai de l'avantage. Je connais déjà le programme, les fondamentaux, les pièges à éviter, l'intérêt de bien bosser... Le vaste cycle de la re-visitation, des re-recontres, de la ré-expérimentation des peurs, des franchissements, des barrières invisibles de corail qui vous chatouillent la plante des pieds pendant que vous achevez d'un mouvement décisif la dernière brasse qui vous libère de vos chaînes, pour atteindre le grand large

Madame Bourgeois. Qui m'a fait prendre conscience du modeste talent que j'avais pour le théâtre. Lorsqu'il a fallu jouer une pièce avec d'autres élèves de l'école en troisième, j'étais l"élu. J'ai joué Frédéri le rôle principal dans l'Arlésienne en 3ème. 1986-87. L'époque où j"écoute des BOF tout le temps. Platoon et Stand by me en tête. 




Mais c'ets aussi mon époque Wet Wet Wet à 13 / 14 ans.


Quelques temps après, il ont d'ailleurs commis ce fameux double album qui m'a convaincu du talent qui était le leur.
 


J'ai essayé de garder le contact avec ce qui m'avait révélé de moi-même une partie que je ne soupçonnais pas. Une partie exubérante, gaie, spontanée, volubile, bavarde, vivante ! Il y eut donc un peu de théâtre en Terminale puis à l'EDHEC (La clé des Planches) avec un plaisir retrouvé à jouer Timsit époque Koumak ou le bruit de la mer empêche les poissons de dormir (Frédéric Dard) !

Les influences en y repensant : l'Intégralité de ce qu'offrit Devos, le Raw d'Eddie Murphy.


Plus de théâtre ensuite jusqu'au Mozambique. Toujours par respirations, rencontres, opportunités. In Maputo, beaucoup souvenirs de théâtre. Du Molière. Du plaisir. Ensuite, c'est Canal + et des cours de théâtre le soir. Puis rien jusqu'au Ciné Théâtre (2015) pendant 1 an. Intéressantes et multiples expériences mais jamais été au bout d'une vocation que je ressentais tout au fond de moi et dont on m'avait donné légitimité dès le Collège. Ce n'est pas grave, ça m'a construit, et c'est tout ce que je veux retenir du Théâtre. Qu'il n'aura jamais été qu'initiation, qu'éternels recommencements, que bonheur et chance de l'éternel débutant. Comme si dans cette volonté de ne jamais vouloir devenir "expert", de ne jamais vouloir en faire un "métier", de vouloir coûte que coûte garder cette relation épistolaire, épisodique mais toujours passionnée, résidait le remède, la nécessaire survie. Encore plus que dans n'importe quel autre domaine, il faut à chaque fois repartir de zéro, garder encore et toujours le regard naïf et insouciant du nouveau né. Avoir le même plaisir intact - celui de l'époque de mes 13/14  ans - à réécouter Wet Wet Wet.  



     

   


       

dimanche 14 février 2021

Rêvons un peu ! 1999


Première image ? MA chambre en sous-sol. 18 boulevard de la Liberté. je suis alors au rez-de-chaussée. Soudain, la voix d'Elvis enfle, grésille, semble s'élever d'un vieux 33 tours rayé. Un fantôme se serait-il glissé dans l'appartement. Je descends, pas rassuré. C'est Sem qui s'st glissé dans mon antre par la fenêtre donnant sur le Boulevard. c'st grâce à lui que j'ai vraiment découvert "Evlis" comme lui-seul sait le dire.

En matière d'hymne à la paix, à l'amour, aux deux, beaucoup ne jurent que par John Lennon et son Imagine qu'on dit pacifique, apaisant, emprunt d'une forme d'absolu... Je l'ai toujours trouvé naïf, consensuel et bien trop sucré. J'ai toujours trouvé qu'il lui manquait une je ne sais quoi de cette rage créatrice, de ces sentiments forts que des messages universels se doivent de susciter.


C'est pourquoi je préfère et de loin dans la même veine le If I can dream (of a warmer sun where all my brothers join hand in hand...) d'Elvis Presley. Sem la pagaille a du me le faire découvrir en 1995 à Lille ou plus sûrement à Paris en 1999 lorsque je crèche alors au 283 rue de Vaugirard, dans ma petite allée privée. Je carbure alors à une pomme le matin et une soupe maison de légumes le soir en semaine ! je bosse à la Défense, contrôle de gestion.

Elvis Presley et sa voix chaude, construit son morceau comme une lente montée d'adrénaline, comme un cri d'espoir, d'indignation qui vont crescendo ! Tout y est saillant. Rien n'y laisse indifférent. Voilà son prix : au lieu de vous endormir l'air de rien, de vous fermer les mirettes en vous flattant les oreilles, If I can dream vous secoue, vous réveille, vous arrache et le coeur et de la chaleur du lit, vous ouvre brutalement la fenêtre sur l'hiver rigoureux qui sévit dehors, arrache la couette et vous dit droit dans les yeux, en toute franchise : réveille-toi mon pote, si tu ne veux plus de ce monde-là, si tu veux vivre tes rêves, ne pas subir, il est temps de se secouer les puces, de se battre un tout petit peu !

D'Elvis, Sem m'avait aussi fait découvrir le sublime Dixie Land



Et récemment, suis tombé sur sa version de Oh Danny Boy que je ne résiste pas à l'envie de vous faire écouter. Sublimissime !






       




lundi 8 février 2021

C'était peut-être ça un héros ! 2006

La première image ? Retour vers le Square Bolivar. Depuis la rue Michel Chasles. Il fait nuit. je conduis.  

On vous raconte après coup car c'est toujours ensuite que tu réalises.

Je ne sais plus qui m'a dit : lorsque quelqu'un s'en va tout doucement, sans faire de vagues, voilà souvent le signe que cette personne était en tout point admirable. La preuve d'une infinie délicatesse. Le souci de ne pas vouloir prendre la lumière, Minutie du sillage qu'on laisse derrière soi pour ne pas créer de  tensions inutiles, de frictions inappropriées. Pas de montées de lave incontrôlables, de haines recuites. Dans le même temps, un départ qui se fait en toute légèreté, c'est que cette personne n'a pas créé un vide disproportionné, rapport à la place qu'il occupait de droit, c'est qu'il aura eu la sagesse du respect taiseux des siens, des autres. Une personne qui ne suscite pas d'interminables commentaires était forcément là pour les siens, sans faire de bruit, dignement.

Evidemment si je veux me souvenir de moments "extraordinaires" le concernant, je retrouve quelques anecdotes fameuses :  la tentative d'enlèvement de Sandra et moi à Marcory. La poursuite en voiture et papa qui parvient à intercepter les ravisseurs. Il y a aussi ce début d'incendie chez Touria et Hassan à Casablanca. La maison d'en face. Rue Lemercier. Quartier Palmiers. Touria est seule à la maison. Papa intervient. Touria m'en reparlera.

Mais avec le recul, ces circonstances restent exceptionnelles et chacun réagit différemment face à l'imprévu ou l'impérieuse nécessité de sauver les siens ou ses proches. L'héroïsme, c'est autre chose, il n'y a pas de héros ordinaire. Il y a des héros les vrais, ceux du quotidien. Ceux qui silencieusement sont toujours là pour vous. Qui font passer l'intérêt des autres avant le leur quand ils sentent que c'est nécessaire, quand les circonstances l'imposent. Mais en toute discrétion. Sans jamais s'oublier pour autant. Un équilibre subtil à trouver. C'est le temps qui peut beaucoup pour mesurer, pour réaliser cela.

Il y a tous ces gens qui crient "famille" "amour" 'ondes positives" "énergie créatrice" mais ne sont jamais là quand vos coups durs le sont. Et il y a celles et ceux qui restent silencieux, mais qui sont là. Fuir les incantations. 

On ne le sait jamais sur le moment, on le comprend plus tard.

Quand je repense à mon "vieux papa" (son expression, sa tendresse fondamentale) il y a toujours ses derniers coups de coeurs musicaux, Seu Jorge et surtout Manu Chao qui remontent à la surface comme les vibrations d'une bonne et belle âme.

D'ailleurs le soir où il m'a appris pour sa maladie, j'ai repris la voiture Gare de Lyon. et sur le chemin vers le métro Pyrénées, il y a eu Tive Razao sur les ondes.

Un soir comme celui-là, vous ne l'oublierez pas.

Quelques mois avant le départ (ou le retour, c'est selon) vers Douala.

Il faut lorsque c'est possible replonger dans l'art si vivant de "leurs" musiques, dans celles qui firent vibrer leurs coeurs, pour voir revivre en vous l'espace d'une écoute vos aimés, vos héros jamais oubliés sans cesse regrettés, pour ensemble communier encore et encore. en espérant que se produise le miracle, un soir d'orage peut-être, d'entrevoir à nouveau leur silhouette familière sur le pas de ma porte...  





jeudi 4 février 2021

2001, l'odyssée du Square

La première image ? Lino Ventura quittant le 6 square, filant vers le 5, poursuivi par Jean Gabin... Le rouge est mis.

Tracer ma route, peu importe les écueils pourvu qu'il reste une trace, baveuse, passionnée, ambigüe, imparfaite d'interminables détours, pourvu que subsiste quelque chose comme une respiration profonde et sereine. Prendre le temps, cheminer suffisamment piano, pour que le suc de la vie sécrétée puisse imprégner nos voies terrestres. A son rythme. Rien d'autre.



Pour trouver sa voix ici-bas, retrouvons les rythmes indolents de la limace. Et prenons le temps de regarder autour de nous. A chaque nouveau pas.

Les Fables de La Fontaine puisent leur substantifique sève de l'observation universelle, de constats aussi simples qu'éclairés, des contes populaires partagés au coin du feu, frappés au coin du bon sens, indiquant toujours et pour toujours la bonne direction, celle du libre arbitre.

Dans Le lièvre et la Tortue, la Tortue prend son temps, crée du sens à chaque instant, remplit sa seconde de 24 images pleines et riches, imprime son rythme sur son passage comme l'encre sur une délicate feuille de papier rejoignant la sortie d'une imprimante avec sensualité, un sens ondulant du rythme, du slow plein la peau.


Une méthode : écouter les signes, suivre ses intuitions

Dans l'existence, c'est pareil. Mais l'une des clés pour ralentir le pas, adapter le rythme de nos âmes à celui bruissant de nos cités folles, c'est de croire. Dans les signes omniprésents qui se présentent à nous, tout le temps. Y croire dur comme fer. C'est la seule boussole, la seule religion qui vaille. Ce faisant, nous donnons un sens précieux à chacun de nos actes, à chaque petit pas incertain dans le sable frémissant d'un territoire aux frontières interdites et dont la face cachée, la partie restant à explorer, comme dans les jeux video, nous angoisse à juste titre, terriblement, tant qu'elle nous reste inconnue.

Et pour illustrer cela, j'ai un exemple qui m'a tout de suite parlé...

Un jour de l'an de grâce 2000, de retour d'un service civil effectué au Mozambique où j'appris tout à la fois les femmes et le portugais, j'ai formé le voeu d'investir les coquettes économies amassées à la faveur de cette aventure dans de la "pierre-valeur-refuge".

Moment que choisit mon père pour visiter cet appartement perché sur un square parisien du XIXème arrondissement.


D'ordinaire homme carré, prévoyant, corseté dans un rationalisme chevillé jusqu'à l'asphyxie, il devient soudain irrationnel, voit dans cette découverte comme un signe tombé du ciel, comme un rayon oblique perçant à travers la couche nuageuse de son esprit cartésien pour éclairer le petit square d'un jour nouveau, excitant. Il m'appelle illico.

Un peu de culture ne te fera pas de mal, on parle de l'homme qui libéra la Bolivie, homme aux originaire Basques, m'assène-t-il pour commencer


Pas un hasard ajoute-t-il si le square se situe métro Pyrénées, nos chers Pyrénées-Atlantiques.


Il est étrangement serein, sûr de sa petite découverte sur les flancs de Paris, quelque part sur une ligne courant depuis ce point culminant qu'est Télégraphe jusqu'à la Seine.

Il a également relevé qu'à une certaine époque (lointaine), trônaient sur les hauts de la butte, dans la rue Clavel qui surplombe le square un ou deux moulins mais pas trace de Don Quichotte. Or nos ancêtres étaient meuniers, me rappelle-t-il avec malice. Eyera signifie moulin en Basque. Mendy veut dire Montagne.

Autant de signes agrégés qui sont trop honnêtes pour savoir mentir.

Je n'ai par la suite fait qu'ajouter mes pierres précieuses à l'édifice inauguré par mon père et qui au fond donnait une force et une légitimité à ce choix qui devenait soudain aussi profond, existentiel qu'évident.

J'ai à mon tour commencé des recherches pour me l'approprier ce lieu. J'ai bien trouvé la Villa de l'Adour juste derrière le square (en hommage à notre cher fleuve du Pays Basque). Puis j'ai trouvé d'autres liens secrets entre le square et le cinéma (ma boussole depuis si longtemps).


Le Rouge est mis (Gilles Grangier, 1957) et Orphée (Jean Cocteau, 1950) sont deux films dont quelques scènes y furent tournées. Le second étant d'ailleurs une oeuvre que mon père vénérait. Curieux destin.


J'ai enfin trouvé drôle dans une période récente où j'ai cherché le calme et la volupté du Pays Basque pour me lancer dans un projet d'écriture, que ma locataire sur le square ait été la fille d'un grand écrivain adopté depuis tant d'années par le Pays Basque : Philippe Djan.

C'est pour ces découvertes fabuleuses de sens plus ou moins caché que nous voulons vivre...

Voilà au fond ce qui doit motiver nos choix dans la vie. C'est ainsi qu'elle nous semblera plus douce, plus simple à traverser. De ce sentiment découlera une forme d'insoutenable légèreté de l'être (Milan Kundera1982) à la portée de toutes celles et tous ceux qui sauront à leurs existences trouver la cadence hypnotique de la limace.

Les première années sur ce square ont été magiques, le sentiment curieux d'être accueilli dans un village d'irréductibles "combattants" (habitats du quartier COMBAT)... Un appartement, la scène d'un théâtre où des tranches de vie auront joyeusement défilé des premiers jours d'un jeune homme commençant dans la vie active jusqu'au foyer chaud et vibrant de petits oisillons piaillant gaiement sous le regard médusé de parents heureux mais exténués... parfois.     

Je ne me rappelle plus ce que j'écoutais à l'époque, au tout début, mais sans réfléchir il y eut pour sûr Patricia Barber et Olu Dara !






S'il ne restait qu'un morceau ? Lille 1993

 J'avais 20 ans quand j'ai entendu pour la première fois la fameuse question fondamentale de toute vie de mélomane qui se respecte : 

Si tu ne devais emmener qu'un seul album sur une île déserte, ce serait lequel ?

C'est arrivé au détour d'une conversation dans les allées Jazz d'un célèbre disquaire Lillois. On doit être en 1993. Ne trahissant ni le doute ni la perplexité qui m'auraient à sa place trempé le fonds de l'âme comme un merveilleux poison, le type interrogé avait alors répondu en toute simplicité, serein, prêt, comme au dernier jour :

A Love Supreme de John Coltrane.



L'animal ! Ni tempes sculptées par de larges veines, ni paupières frappées d'épilepsie, pas même un filet de transpiration aussi maigre fut-il capable de lustrer en une suée la nuque et le grand front de l'importuné.

Avec le recul, je lui dois beaucoup, raison pour laquelle je m'inscris en faux devant les adorateurs de mises en garde définitives du type "c'est pas joli d'écouter aux portes". Au contraire, écoutons aux portes, il y a fort à parier qu'elles recèleront plus souvent qu'à leur tour la magie essentielle des belles histoires.

A cette époque, je passe un temps infini dans les rayons des grands disquaires. J'y vais souvent, seul ou avec Jibé. C'est pas beau de dépenser son pécule dans le CD avec le recul. D'autres avaient pas de quoi, mais certains avaient de quoi et mettaient de côté pour un voyage ou dans les fringues, voire dans la bouffe, que sais-je encore Il y avait quelque chose de noble je le sentais confusément, à se faire masser les oreilles, à farfouiller, à s'instruire, à découvrir, à rechercher, à mener l'enquête, au sein d'une même discographie pour dénicher de fantastiques raretés...     

Mais j'y pense, cette anecdote surgie du début des années 90. c'était bien avant le temps des Ipod, des mini lecteurs, d'internet, de la musique numérisée, miniaturisée, téléchargée, banalisée. J'ai 39 ans et plus assez de temps ni de bras pour accueillir les pléthores d'albums qui débarquent chaque semaine dans les bacs et sur les ondes. Alors j'attends le mois de janvier pour écumer les classements des meilleurs albums de l'année écoulée dans les bouclards hexagonaux les plus avisés en la matière, avec le secret espoir de dénicher quelques perles... Peines perdues. J'en viens donc à regretter la rareté de ce moment vécu 20 ans plus tôt, dans l'intimité d'une conversation volée.

C'est pourquoi j'ai décidé de faire revivre ce petit procédé en me l'appliquant : s'il n'y avait à cet instant précis qu'un album à retenir, que je n'ai cessé d'écouter et de réécouter depuis toutes ces années, qui m'enivre toujours autant et me semble indépassable, indémodable, c'est bien le Chapter One Latin America de Gato Barbieri.

Il réussit (dans cet album comme dans bien d'autres) à donner à un jazz en fusion, le free jazz, les couleurs inaltérables de son folklore local. Car la World Music telle qu'on a pu l'idolâtrer des décennies plus tard, Gato fut le premier à lui donner corps, en proposant une formidable et revigorante transgression musicale et politique tout en dédaignant obstinément le patronage encombrant du jazz nord américain et de son blues sorti des champs de coton. Gato lui va puiser sa force dans ses racines argentines, andines, à une époque où la dictature sud-américaine (instrumentalisée par le Nord) n'était pas denrée rare.

Il est enfin à ma connaissance le seul avec Pharoah Sanders et Albert Ayler à avoir soufflé son âme rauque et dissonante et imparfaite et divine dans cet instrument qui par moments s'échappe entre les notes pour atteindre au sublime, au sacré. La Libertad ! La Libertad !


Avis aux amateurs, s'il ne restait qu'un morceau... 

La China Leoncia arreo la correntinada trajo entre la muchachada la flor de la juventud


Immortel !

mardi 2 février 2021

My own private giallo. New-York 2009

 Août 2009. J'atterris à Brooklyn, Nostrand Avenue pour y suivre une formation de cinéma. Principe actif : réaliser 3 courts-métrages privés de son in, l'histoire devra donc s'offrir sous les traits d'un clip musical.


Devant être écrits quasiment pour le lendemain, l'exercice se révèle drôle parce que m'obligeant à une urgence de tous les instants, mère d'improvisations stimulantes. Matériel loué pour la journée, staff volatile, comédiens à l'état liquide, temps savonneux qui vous file entre les doigts... Résultat, avec quoi, 2 ou 3 prises valables en près de 4 heures de tournage, tout le monde s'éparpille dans la rue comme un vol de chauve-souris à la tombée de la nuit. Je reste seul dans l'appartement avec le matériel et mes idées... 

Et bien vous le croirez ou non mais c'est alors que va commencer l'une des nuits les plus délectables de ma petite vie remémorée. Parce que je suis seul à tousser, régler la lumière, m'invectiver, positionner la caméra sur un pied, boire une bière, faire le comédien quand c'est nécessaire, finir un paquet de Marlboro, être pris d'un fou rire... avec une pensée, toujours, pour l'inspirateur et créateur de ce genre où le personnage principal apparaît d'abord par morceaux (mains, gants, visage mangé par l'obscurité), Dario Argento


Voilà pour la genèse qui fut une expérience que je n'oublierai jamais, même sous la torture. D'ailleurs en le regardant on peut s'amuser à identifier les plans qui sont réalisés par une tête brûlée au coeur de la nuit new-yorkaise.

Et l'histoire dans tout ça ? Je suis parti d'une idée farfelue : un novice italo-américain entre par la fenêtre chez une victime désignée, chargé qu'il est de maquiller le meurtre de cette dernière en suicide. Appliqué comme pour un entretien d'embauche, il sait au moment de quitter les lieux du crime déguisé, sur le pas de la grande porte, qu'il n'a pas droit à l'erreur. Mais tout s'enraye en 3 petites minutes lorsqu'il réalise en bas de l'immeuble que son téléphone portable est resté bien au chaud à l'intérieur. Enfermé dehors, impossible pour lui d'y revenir, prisonnier qu'il est de son funeste destin d'outsider aux mains trop moites...



Parmi les musiques qui m'ont inspiré, l'inénarrable Nelson Cavaquinho. Respeito.



Les petits chats de Chiberta. 2011

 


Rose
"Comme on dit, je suis HS, j’en peux plus, ce type est malade, tu comprends, il est zinzin, toqué, chaque soir, c'est la même chose, je fais une prière, oui, je prie le bon dieu de ne pas me réveiller le lendemain, et le lendemain je me réveille, avoue que c'est pas de bol (silence) Je suis à bout mon chéri, j’ai envie de mourir, de rien, enfin si, il y a bien mon émission de 17h00, et Princesse, (exaltée) heureusement que je l’ai cette chatte, elle comprend tout, il lui manque que la parole, mais lui... (silence)   je sais qu’il veut ma mort, il me rend folle. Tiens, hier, je vais te raconter quelque chose mais tu n’en parles pas à ta mère sinon elle va l’appeler et il va encore me faire peur, il me fait peur quand il rentre et qu’il hurle « tu es où ninette ? tu es où ? » et que je lui dis que je suis là, parce que tu veux que je sois où à la fin? Tu parles, je suis bien tranquille avec ma petite chatte dans le salon. Il sait bien que je sors jamais sinon pour aller voir mes petits chats sauvages, tu imagines, mon seul plaisir, tout ce qui me reste  mais même ça... Tiens regarde, l’autre jour, il m’a fait un bleu là, sur le bras, il m’a poussé, j‘ai eu peur si tu savais. Tu imagines avec sa force, s’il m’avait frappé au visage, je serais partie et c’aurait pas été plus mal, tiens  "

Jean-Jo
"Tu étais partie sur un truc hier ?"

Rose
"Quoi ?"

Jean-Jo
"Un truc hier qu’il a fait ?"

Rose
"Ah oui. Hier, il est rentré de sa partie de cartes avec les copains des boules. Il s’est mis hors de lui, il m’explique qu’il a mis un fil devant la porte et qu’en rentrant le fil n’était plus là, et que j’avais sûrement reçu un amant. Non mais tu te rends compte, on va avoir 83 ans. C'est un âge pour faire des choses pareilles ? Mon seul plaisir c’est quand le midi je vais nourrir les petits chats de Chiberta. Mais il contrôle le kilométrage maintenant, quand il voit 19 au lieu de 16 au compteur, il croit que je suis allé voir un amant, non mais tu t'imagines ? Du coup il s'est mis en tête de m’accompagner pour se rassurer et il klaxonne au bout de 2 minutes dès que je suis plus dans son champ de vision. Résultat : sur le trajet du retour, j’ai qu'une envie, de sauter de la voiture mais j'imagine toujours le pire, que ça va pas marcher, que je vais être hospitalisée, défigurée, que je vais devoir encore endurer tout ça, et pendant combien de temps ?… Et voilà, je suis toujours là."

Jean-Jo
"Mais tu le connais Mamie, il a quand même pas changé comme ça, du jour au lendemain ? Vous êtes mariés de puis combien de temps ?"

Rosie
"On s’est marié à 17 ans…"

Jean-Jo
"Ca va faire 66 ans, c’est quelque chose"

Rose
"C’est vrai quand même il sait tout faire, il est vaillant, il a de l’or dans les mains,… Tu as raison"

Jean-Jo
"Ah tu vois…"

Rose
"Ah ça oui, il est comme sa mère. Inoxydable. 107 ans, tu te rends compte ? Elle est incroyable. Ils vont m’enterrer je le sais (silence, regard vers l'horloge). Déjà ? Faut que tu y ailles mon chéri, il est 17h00, Princesse a faim et jma série va commencer !"

Villa Saaro. Intérieur jour. Mamie aimait beaucoup Cargo de nuit (Axel Bauer) quand c'est sorti dans les années 80. Je trouvais ça curieux, rock and roll, elle avait déjà la cinquantaine. Avec le recul, peut-être rêvait-elle de se faire la malle, de "trente cinq jours sans voir la terre", de "changer de port"... Ce passage est peut-être plus éloquent qu'il n'y paraît :

J'ai voulu tout chavirer
Mon espoir s'est échoué
J'en ai marre de ramer
La détresse a pollué
L'océan de mes pensées



Bon ça c'est pour la face sombre. Elle était facétieuse aussi et ce que j'en retiens toujours et à jamais c'est son affection pour Tout va très bien Madame la Marquise







  

 


lundi 1 février 2021

Terminator Avoriaz 1985

Première image ? Le 60 rue de Villacoublay. Caché dans des recoins obscurs entre le 1e et le 11ème étage. Lorsque je n serai plus là, cela faut partie des endroits où l'on pourra me retrouver. J'adore jouer à cache-cache surtout quand le cinéma s'en mêle.

Je me souviens de Michel Blanc expliquant sur un plateau en évoquant le futur palmarès d'Avoriaz 1985 qu'il doutait fort que Terminator puisse y prétendre... Un film, je le cite, mal fagoté et filmé comme un épisode de Starsky et Hutch... Ca m'avait marqué. Cette référence à Starsky et Hutch.

C'était sans compter sur le temps long qui rétablit toutes les vérités, les effets qu'a eu ce film sur toute une génération d'adolescents en devenir dont je fis alors partie.

C'était le début des ordinateurs personnels Les AMSTRAD, les premières lignes de développement. les premiers jeux immersifs comme l'excellentissime L'Aigle d'or.

Le son strident de la cassette de jeu chargeant lentement mais sûrement son contenu. Un travail de longue haleine. Peu de temps après, la disquette faisait son apparition raccourcissant le temps de l'attente...

Le week-end, on jouait parfois au Hockey sur l'une des aires de jeu entre nos immeubles. 

Nous avions 12 ans , Terminator était sorti et le mythe (déjà) nous avait absolument emporté sous son aile. On jouait donc au jeu du Terminator.  Principe : désigner l'un de nous comme le Terminator (Jérôme était bon dans le rôle) . Mine patibulaire, lunettes noires et silence de mise.  Le terrain de jeu, c'était les 11 étages du 60 rue de Villacoublay. Etages sans fenêtres de nos immeubles Véliziens. Interdit de sortir dans la rue. Nécessité de faire le moins de bruit possible pour ne pas s'attirer les remontrances des voisins. Et c'était parti... Grands souvenirs remémorés de jeux diurnes entre enfants de 12 ans sous l'égide bienveillante du 7ème art.