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jeudi 18 mai 2023

In the Cocody small hours of the morning

La première image ? Abidjan. Très tôt. la lumière grise est encore fragile, elle annonce la pluie. La petite saison. Toute la maisonnée semble endormie. Papa Maman, Joe, Gilda, Sandra, moi et Mamie Françoise. Au chaud dans leurs draps, à l'abri du mauvais temps. L'orage gronde au loin. Je pénètre par la petite porte qui jouxte le grand portail. Lentement, je m'avance, longe sur la pointe des pieds le mur de l'allée puis la fenêtre donnant sur la chambre de papa et maman. Je fais silencieusement coulisser la baie vitrée du grand salon, j'hésite à entrer. J'ai entendu dire que modifier le passé pouvait avoir des conséquences désastreuses dans un futur qui existerait déjà... Et pourtant je donnerais tout pour regarder dormir l'enfant de 8 ans que je fus... Oh comme j'aimerais le prendre dans mes bras et le rassurer, lui qui en a tant besoin "sois tranquille mon Romain. la vie t'aimera follement et tu le lui rendras bien tu verras". Comme j'aimerais me chuchoter ces quelques mots au creux de l'oreille dissimulée sous sa tignasse souple et blonde. "Ne cesse jamais de rêver petit rêveur". Mais je...

C'est là qu'en tournant la tête, sorti de mes pensées, Mamie Françoise, habitante de l'aurore, m'aperçoit et je la vois encore, surprise, penchée sur ses rosiers, souvenirs vivaces du château de la Jourdane où mon arrière grand-père Amador était jardinier. Elle reste ainsi, figée dans ses questions. Mon allure doit lui rappeler quelqu'un. Je viens vers elle silencieusement, m'accroupis. Son index glisse sur la cicatrice que j'ai au front. Elle comprend immédiatement. Ce fameux jour (la semaine dernière pour elle) où je me suis ouvert le haut du crâne en sautant de l'armoire sur le coin du lit.  Elle balbutie émue "Romain"... D'un doigt sur mes lèvres j'implore son silence. Ne réveillons personne. Restons là tous les deux. Ce sera notre secret. La pluie est chaude, elle nous enveloppe. Mamie se redresse, se blottit contre moi et nous nous étreignons longuement. Elle me chuchote, je lui rappelle son fils, tonton Jean, au même âge. J'en ai 50 aujourd'hui. L'étreinte est devenue notre danse. Elle se laisse guider. Mais la pluie s'intensifie et nous rions facétieux, deux garnements, en courant nous abriter sous la véranda des trombes d'eau qui s'abattent à présent. Nos voix sont avalées par le vacarme assourdissant. Le jardin est étoilé de flaques bien vivantes qui paraissent maudire le ciel. J'aide Mamie à s'asseoir dans le fauteuil tressé de raphia qu'affectionne Papa dans ses poussées de mélancolie. Je suis à ses côtés, assis sur le bras du fauteuil, entourant ses épaules. Nous écoutons la pluie. Savourons le mystère de l'instant. La fraîcheur des bourrasques est venue jusqu'à nous, caresse nos visages. Et nous restons ainsi, paisibles, sereins, le temps d'un échange de regards complice, le temps pour l'averse de se refaire toute petite, le temps pour notre rêve...

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