Un brumisateur géant
Pour tuer la torpeur :
Voilà le doux songe
Qui soulage mon âme.
J’inspire fébrilement
Tout au bord de ma nuit.
Le Limpopo, son râle
Je l’entends déjà qui ronfle
Chant brodé de plic et de ploc
Entrelacés, venus
Mourir à mes pieds.
De ses entrailles,
Le fleuve exhale
Un souffle indocile
Comme les effluves
D’un ventre brûlant.
Une pluie fine enfin.
M’envelopper alors,
Me mêler le corps
Aux bruissements
Dans mes oreilles,
Ma piste aux étoiles,
Mes acouphènes.
C’est le signal, j'entre en scène
Il siffle, il brûle mon sang
M’enfoncer lentement
Dans les boues flasques,
De ces profondeurs que
Je ne peux qu’imaginer,
Mes jambes au-dessus d’un néant,
Indicible et noir océan,
Où tout se consume
Les os
Les yeux
La viande
Les souvenirs peut-être.
Et la pluie qui s'entête.
Dérive bonhomme, dérive,
Ne crawle pas, fais toi petit,
Tout petit dans la noirceur suffocante
Où toute vie étend son règne abyssal.
Les grands prédateurs n’ont qu’à bien se tenir,
Parole de fou, ça va saigner par ici
Et ce ne sera même pas télévisé
Tiens, j’en entends un quitter la berge.
Crocodile ?
Hippopotame ?
Peu importe,
Il me veut pour lui tout seul,
Caressera bientôt mes chevilles lestes.
Oublié mon couteau japonais, pas grave
Je m'en vais tordre le cou aux idées reçues
Mordre au cœur l’animal. M’en faire un sac.
Le regarder se soumettre
Lui déchiqueter le cuir de tout mon être
A l’effroyable mâchoire résister
De mes plaies ouvertes,
De mes chairs disloquées.
Qu’il m’aspire vers le fonds, je serai là
Moi, mes mots blessés
Qu’il me traverse, Qu’il m'éparpille,
La beauté de l’instant fera tout oublier.
Et puis rien. Il n'y eut rien ou si peu.
C'est donc l'homme qui a peur
Son imagination dans le noir.
Allez, bouge, nage, nage,
Accélère petit homme,
Affûte l’oraison,
Aiguise l’épitaphe,
déguerpis,
Sois pierre à fusil
Deviens l’extrême soif
Et de creux en creux
Jusqu’à l’océan
Rebondis,
Nu comme le ver
Rends l’âme,
Revis,
Ouvre les yeux,
Exulte, heureux
Comme au premier jour :
« Terre ! Haute-Volta ? Zaïre ? »
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